Guneenews: ça fera bientôt un an que le gouvernement prêche dans le désert face à l’épidémie Ebola. Selon vous, quelle est la solution qu’il faut pour éradiquer cette maladie de la Guinée ?
BAH Oury : D’abord, il s’agit dans le cadre d’un processus de transparence et participatif, d’engager au niveau du sommet de l’Etat, une volonté politique de combattre l’épidémie, ferme et déterminée. En dépit de nombreuses alertes et recommandations , les autorités guinéennes jusqu’à présent traînent le pas.Je vous remercie de visiter mon blogwww.bahoury.com à cet égard pour de plus vastes explications.Par ailleurs, Il ne faut pas minimiser les efforts et les initiatives qui se déploient actuellement pour apporter réconfort et sensibiliser à la fois les populations. Des députés et les ONG de la société civile s’activent avec des moyens limités sur le terrain. Le personnel de la santé, héroïquement se débat tant bien que mal pour affronter la fièvre hémorragique. Il a déjà payé un très lourd tribut avec plusieurs dizaines de morts dans ses rangs.Donc , avant tout, il faut louer les efforts de ceux qui frontalement font face à Ebola, les nationaux comme les internationaux comme MSF, l’OMS et les autres acteurs du terrain.
Les actions essentielles sont à mon avis sur trois niveaux : la sensibilisation de l’ensemble du corps social de la présence de la fièvre Ebola dans notre pays et en même temps lui donner les conseils et mesures préventives pour ne pas contracter la maladie .Le second niveau concerne directement les personnes infectées qu’il s’agit de détecter et d’isoler tout en leur apportant les soins susceptibles de leur permettre de vaincre le virus. Le troisième niveau ,concerne les personnes qui sont de l’entourage des personnes infectées qu’il faut nécessairement identifier , isoler et leur assurer un suivi personnalisé pour rompre la chaîne de contamination. Les deux derniers paliers se heurtent à des résistances dues à des pesanteurs sociologiques accentuées par le niveau de pauvreté ambiant. Comment tenter de vaincre ces résistances et amener les populations à être pro-actives ? Pour cela, je propose de s’inspirer des pratiques du Brésil dans sa politique sociale de réduction de la pauvreté. Il s’agit d’allouer pour le cas brésilien des subventions sous forme de transfert direct de revenus aux familles bénéficiaires du programme à condition que celles-ci s’assurent que leurs enfants et les adolescents aillent à l’école et se présentent aux rendez-vous médicaux et de vaccinations .Douze millions de familles au Brésil bénéficient de ce programme et les résultats en ce qui concernent la réduction de la pauvreté et l’émergence d’une classe moyenne nombreuse sont appréciés du monde entier.
De manière précise la lutte contre Ebola en Guinée revêt également la dimension de la pauvreté .Des mesures incitatives pécuniaires ou en nature doivent être données aux familles qui coopèrent au programme en déclarant les personnes malades et à accepter d’être isolées afin de limiter la propagation de la maladie. Contre nourritures ou argent , il sera plus facile de pouvoir travailler. C’est une piste qui mérite d’être explorée.Le PAM est déjà habitué à gérer ce genre de programme , il en a l’expérience et la compétence. Pour sauver les vies humaines il faut tout tenter avant qu’il ne soit trop tard.
Gunéenews : Chaque jour, on entend que des sommes colossales ont été accordées à la Guinée pour bouter hors de nos frontières, Ebola. Mais sur le terrain, les médecins continuent toujours de travailler dans les conditions difficiles. Certains se demandent même où va cet argent ?
BAH Oury : La mal-gouvernance est responsable du malheur des guinéens. Le cynisme a atteint son comble . Tout est prétexte à un enrichissement illicite,amoral et criminelle. Le régime actuel ne diffère nullement des précédents . Ce qui importe pour Alpha CONDE se sont ses comptes bancaires à l’étranger. La déclaration du préfet de Guéckédou M.Mohamed V KEITA faite la semaine dernière indique que ceux qui sont sur le terrain ne reçoivent rien ,malgré les millions de dollars qui sont évoqués à la Radio Télévision Guinéenne.
Gunéenews : Votre réaction face au drame de Womey.
BAH Oury : Une tragédie regrettable a eu lieu dans notre pays. Les victimes notamment les journalistes et les médecins n’ont pas reçu les hommages que le pays tout entier leur doit. La vérité sur les causes du drame est occultée. La justice comme d’habitude est instrumentalisée contre de simples citoyens. La zone de Womey est illégalement militarisée. Ce qui est grave également les villageois de Womey sont présentés comme des criminelles alors que la présomption d’innocence existe jusqu’à ce qu’il y ait un jugement équitable et transparent pour situer les responsabilités. Si les autorités n’avaient pas peur de la vérité pourquoi alors ,refuser une commission d’enquête indépendante sur les lieux du drame ? D’injustices en injustices , le fossé se creuse entre les populations et l’administration centrale . Toutes les guerres civiles ont commencé ainsi. Faisons attention pour ne pas brûler la Guinée.
Guinéenews : Si vous étiez à la place d’Alpha CONDE, qu’auriez vous fait dès l’apparition du premier cas d’Ebola en Guinée ?
BAH Oury : M.Alpha CONDE veut nier l’évidence, mais les faits sont têtus. Nous avons manqué de sens de responsabilité et de réactivité. L’irresponsabilité,le culte du mensonge et le refus de prendre en compte ses propres responsabilités ont conduit à la tragédie actuelle. M.Macky SALL du Sénégal dès le début a pris des mesures conservatoires pour protéger son pays et son peuple . Le protocole de l’OMS a été immédiatement appliqué .En Guinée , tout ce qui affecte les pauvres est négligé voire banalisé. Ce qui m’importe aujourd’hui ,est l’exploration de l’exemple brésilien qu’il faut adapter à la lutte contre l’Ebola en Guinée.
Guinéenews: Merci d’avoir répondu à nos questions?
Bah Oury: C’est à moi de vous remercier.
Interview réalisée par Sarifou Barry depuis la France pour Guinéenews 00336 85 81 54 97