CONAKRY- Que se passe t-il au sein de la principale formation politique de l’opposition guinéenne ? L’Union des Forces Démocratiques de Guinée fait face à une crise sans précédent depuis la fin du processus électoral qui a conduit à la réélection d’Alpha Condé à la tête de la magistrature suprême du pays. El hadj Abdoul Diallo, membre du Conseil politique de l’UFDG, conteste des décisions prises au sein de sa famille politique. Sans tabou, ce membre fondateur de l’UFDG revient sur les raisons de « l’échec répété » de son parti aux dernières consultations électorales. Dans cette interview exclusive qu’il nous a accordée, El hadj Abdoul Diallo adresse un message au président de son parti Cellou Dalein Diallo. Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : El hadj Abdoul Diallo bonjour !
EL HADJ ABDOUL DIALLO : Oui bonjour !
Vous contestez deux décisions prises par votre formation politique à l’encontre de deux responsables du parti. Qu’est-ce qui motive cette prise de position ?
Nous avons fait les élections présidentielles le 11 octobre 2015. Tous les militants et responsables de l’UFDG se sont battus pour ces élections. Des responsables et militants ont fait la campagne présidentielle pour le candidat du parti. Ces mêmes responsables et militants ont voté le 11 octobre en donnant leur voix au candidat du parti. Comment peut-on expliquer humainement d’abord, moins d’un mois après ces élections, l’organe politique du parti, le conseil politique et le président du parti lui-même signent des suspensions et des exclusions de cadres et militants du parti ? On a affaire à des pères de famille, à des cadres, à des responsables qui se sont battus dans ce parti avant même la plupart de ceux qui ont siégé et ont pris cette décision y compris le Président du parti lui-même.
Depuis 1986 Monsieur Lamine Diallo (Fédéral de l’UFDG en Allemagne, Ndlr) dont il s’agit, qui a été suspendu se bat sur le plan politique. Depuis l’UNR, Monsieur Mamadou Barry est cadre dirigeant ensuite il est devenu cadre dirigeant de l’UFDG. Il se bat, il conteste certaines décisions, il fait des critiques objectives qui peuvent faire avancer le parti si on veut avoir un parti démocratique au sein duquel il y a débat. Malheureusement ce n’est pas ça. Aujourd’hui, on humilie des cadres, des responsables qui se sont battus, qui ont tout donné pour ce parti. Ces gens là contribuent pour le parti, ce n’est pas le parti qui leur donne leur moyen de vivre. Au contraire, ils paient leur cotisation, ils font des actions de mobilisation pour le parti. Malheureusement, toutes ces actions qui ont été déployées par ces millions de militants de l’UFDG se sont évaporées parce que la direction du parti n’a pas su prendre les décisions et les positions politiques qu’il faut au moment où il le faut.
On estime pourtant que les comportements de ces cadres qui ont été suspendus font entorse aux statuts du parti. On accuse par exemple Monsieur Mamadou Barry de récidive. Qu’en dites-vous ?
Monsieur Barry a voulu faire une déclaration, on le lui a refusé. Comment voulez-vous que dans un parti démocratique, qu’on ne permette pas aux militants qui ont des droits, de s’exprimer librement sur des questions politiques ? S’il y a des gens qui ont des avis contraires, on leur donne la parole, qu’ils s’expriment aussi. Mais là, c’est parce que tout simplement, ce qu’il dit ne plait pas à ceux qui dirigent aujourd’hui le parti. Voilà pourquoi on l’a exclue. C’est simplement pour ses points de vue politiques, c’est parce qu’il est critique, il est connu pour ça. Je l’ai dit dans ma déclaration. Tout le monde le connait. Donc, il faut le respecter dans sa personnalité, dans sa conviction politique. On ne peut pas lui demander de faire ce qu’il ne veut pas.
Vous qui êtes un des membres du Conseil politique, à part cette déclaration que vous avez publiée qu’entendez-vous faire pour Monsieur Barry qui, jusqu’à preuve de contraire est exclu du parti ?
Le conseil politique dit qu’il (M. Mamadou Barry) est exclu, mais lui-même considère qu’il n’est pas exclu. Et personne ne peut l’exclure de l’UFDG. Il restera militant de l’UFD, il restera cadre de l’UFDG. On ne peut le lui empêcher. On peut ne pas lui donner des fonctions, mais il a la conviction, il partage les idéaux de l’UFDG. Donc, il restera UFDG.
Que répondez-vous alors à Monsieur Chérif Fadiga porte-parole du parti qui dit que vous ignorez les statuts du parti et que d’ailleurs vous n’êtes pas membre du conseil politique ?
C’est une insulte au Conseil politique et à la Direction du parti parce qu’au dernier congrès, je figure bien parmi les membres du Conseil politique, comme lui. S’il l’ignore, il n’a qu’à revoir les résolutions du Congrès tenu en août dernier. Ensuite il estime que je ne connais pas les statuts du parti. Si vous regardez l’exclusion de Monsieur Barry Mamadou, on fait allusion à l’article 11 du parti, c’est bien la perte de la qualité de membre. Et l’article 45 du règlement intérieur n’a rien à voir avec les sanctions disciplinaires au sein du parti. Il parle des commissions techniques. Donc s’il y a quelqu’un qui ignore les statuts et le règlement intérieur du parti, ou qui conteste ma nomination comme membre du Conseil politique, ce sont eux. Je suis membre du Conseil politique en vertu des résolutions prises lors du congrès. L’article 45 du règlement intérieur fait allusion aux commissions techniques et non aux sanctions disciplinaires. C’est lui qui ignore ça, ce n’est pas moi.
Pourquoi c’est maintenant que vous contestez ces décisions alors qu’elles ont été prises il ya plusieurs semaines de cela ?
Les sanctions sont intervenues il y a quelques semaines, certes, mais j’étais en train de voir s’ils peuvent revenir à la raison, s’il y a des esprits éclairés qui allaient faire comprendre à mes collègues que je respecte par railleurs, que ces décisions de sanction et d’exclusion ne sont pas des mesures politiques appropriées actuellement. Nous sortons des élections présidentielles, des militants et des cadres se sont engagés et ont voté pour le candidat du parti. Comment peut-on pour les remercier les suspendre ou les exclure ? Humainement, il faut que ces gens-là aient un minimum d’empathie à l’égard des militants et cadres du parti qui se battent nuit et jour pour développer le parti et le faire grandir. On ne peut pas accepter de fermer la bouche et ne rien dire face à cette situation. Puisque c’est comme ça qu’une dictature nait. Comme on est un parti démocratique, il faut intervenir pour que la culture démocratique revienne et que le débat démocratique s’instaure au sein du parti et non en dehors.
Si à chaque fois que quelqu’un intervient on le suspend ou on l’exclue, les gens seront obligés de s’exprimer en dehors du parti. Nous voulons que l’UFDG qui est un grand parti, ait des dirigeants qu’il mérite, qui l’honorent, qui font sa fierté, qui respectent ses militants et ses cadres. Nous ne voulons pas des dirigeants qui excluent et qui suspendent à tout bout vent les militants et les cadres.
On vous accuse d’être un pion de Bah Oury qui est en froid avec Cellou Dalein Diallo. Qu’en dites-vous ?
Je ne suis ni homme de Cellou Dalein Diallo, ni homme de Bah Oury. Je suis membre de l’Union des Forces démocratiques de Guinée. Et à l’UFDG, on dit qu’on est derrière un idéal et non derrière un individu. Je n’ai pas de permission à prendre devant qui que ce soit pour intervenir sur le plan politique. Depuis 1986, on s’est battu dans le cadre des droits de l’Homme, on a soutenu le mouvement estudiantin. Ensuite on a créé un parti politique, on a siégé au forum démocratique national. Après la catastrophe intervenue à l’UPR, on a accueilli le doyen Bah Mamadou, ensuite Dr Saliou Béla Diallo, et ce fut le tour de Monsieur Cellou Dalein Diallo d’être accueilli. Par respect pour le doyen Bâ Mamadou qui a accepté de prendre le titre de président d’honneur, Monsieur Cellou Dalein a été élu par consensus, président du parti par un congrès un an après. Nous sommes heureux d’être membres de l’UFDG, nous sommes heureux de voir qu’aujourd’hui, ce parti que nous avons créé en 1990 est devenu la première force politique du pays.
Si nous avions des dirigeants qui pouvaient ou qui avaient osé prendre des positions politiques audacieuses, c’est l’UFDG qui serait aujourd’hui au Pouvoir. Je vous rappelle qu’en 2010, il y a eu au moins quatre mois entre le premier et le second tour de l’élection présidentielle. Il y a eu un vol d’ordinateurs à la CENI (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr), on a brûlé des documents au camp Samory, on a chassé pour la première fois des guinéens dans une région du pays, mais on est allé les bras croisés calmement au second tour pour perdre contre quelqu’un qui avait 18% alors que nous avions 44%. Comment ceci peut s’expliquer politiquement ?
L’UFDG ressemble aujourd’hui à un géant aux pieds d’argile, ses responsables au sommet ne s’entendent pas. Selon vous qu’est-ce qu’il faut pour empêcher que le navire UFDG ne chavire ?
Il faut que les responsables de ce parti prennent conscience de leur responsabilité politique et historique. Bah Oury s’est effacé devant le doyen Bâ Mamadou, il s’est effacé devant Dr Saliou Béla Diallo, il s’est effacé devant Monsieur Cellou Dalein Diallo. Monsieur Cellou Dalein Diallo président a échoué à deux élections présidentielles. C’est à lui de tirer les leçons politiques de ces échecs. C’est à l’ensemble des responsables de faire un débat à l’intérieur du parti pour savoir quelle est la direction qu’il faille prendre pour que l’UFDG reste le parti phare en Guinée.
Quelle lecture faites-vous de la récente rencontre entre Bah Oury et le Président de la République à Paris ?
J’ai lu la déclaration de Monsieur Bah Oury à la suite de cette rencontre. Je pense que c’est une déclaration responsable digne d’un homme politique. Quand on lui propose l’amnistie, il a simplement dit que si c’est lui seul, ça n’a aucune importance. Il faut élargir à tous les prisonniers, tous les exilés. Je trouve cela responsable. On veut des responsables qui agissent pour l’intérêt général et non pour leur intérêt personnel. C’est un exemple à suivre.
Votre dernier message ?
Aujourd’hui, je souhaite que l’UFDG, ce grand parti, ait des responsables valables, qu’il mérite. Je voudrais que le débat s’instaure à l’intérieur du parti. C’est pourquoi nous avons donné ce signal. Je suis disposé à mener le débat à l’interne avec tous les cadres politiques. Je souhaite que l’UFDG qui s’est battu durant des années arrive à triompher finalement en Guinée et avoir le Pouvoir. Ensuite gérer le pays dans l’intérêt de tous les guinéens sans aucune exclusion afin que les guinéens soient heureux et dignes de vivre dans leur pays.
Monsieur Diallo merci !
Je vous remercie !
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com