Guineenews. Le président Alpha condé est en voie de gagner le terrain sur les désaccords liés au processus électoral entre lui et l’opposition ? Quelle lecture faites-vous sur ce sujet ?
BAH Oury : Dans un sens, vous avez raison. En effet les responsables du collectif des oppositions ont mal négocié le tournant relatif à la recomposition paritaire de la CENI et de la désignation des commissaires de cette institution. La loi organique votée par le CNT a été restrictive, déséquilibrée et taillée sur mesure en faveur du pouvoir en place .L’abandon du mode de consensus pour acter les décisions au sein de la plénière de la CENI au profit du vote majoritaire a vidé cette institution de ses prérogatives d’actrice neutre, consensuelle et garante de la transparence des élections. Cet état de fait, a ravalé la CENI comme une excroissance du Ministère de l’Administration du Territoire d’Alassane Condé. Le collectif des oppositions a également banalisé la désignation des commissaires, en acceptant que son quota soit amputé, ce qui confère aujourd’hui une majorité absolue à la mouvance présidentielle de toutes les façons.
Cette bataille perdue, a tracé un boulevard à Alpha Condé pour imposer la mascarade électorale qu’il a déjà programmée. En d’autre terme, le collectif des oppositions est responsable de ce dérapage qui a permis au pouvoir de faire avancer son projet en se drapant d’une certaine légalité que la CENI lui permet de valider.
Guineenews. Aujourd’hui la grande majorité des observateurs de la scène politique Guinéenne ont un regard tourné vers la communauté internationale pour empêcher le pire en Guinée. Selon eux seule, la communauté internationale et les manifestations de rues peuvent faire revenir Mr Alpha condé sur sa décision de la convocation du corps électoral à la date du 30 juin. Qu’en dites-vous ? Et si il maintient la date que va-t-il se passer ?
BAH Oury : La Communauté internationale peut jouer un grand rôle mais il ne faut surestimer ses capacités d’infléchir la position d’Alpha Condé. Sa marge de manœuvre est limitée. La primauté qu’elle accorde au maintien de la stabilité au détriment de la résolution globale, profonde et juste des causes de la crise fait le jeu du gouvernement guinéen. La décision du Secrétaire Général des Nations Unies de désigner le diplomate chevronné Saïd Djinnit au chevet de notre pays et la déclaration du Conseil de Sécurité de fin avril s’inquiétant de « la situation explosive en Guinée » illustrent la prise de conscience de la Communauté internationale sur les dangers que représentent la crise guinéenne. Ceci dit ,il appartient avant tout aux citoyens guinéens d’agir et d’être artisans de leur propre libération. C’est la seule voie qui est réellement efficace et déterminante contre Alpha Condé.
Le maintien de la date du 30 juin 2013 ouvrira une nouvelle étape de l’approfondissement de la crise guinéenne. Il ne faut pas s’y tromper, le danger qui guette notre pays au lendemain d’une mascarade électorale sera plus grand encore.. Dans ces conditions, il est certain que l’écrasante majorité de la population comme durant la décennie 2000 s’abstiendra d’aller voter. Quoiqu’il en soit une crise d’une plus vaste ampleur se profile à l’horizon si le projet électoral d’Alpha Condé est mis en œuvre. La gouvernance d’Alpha Condé a hélas amené aujourd’hui la Guinée devant le mur.
Guineenews : L’histoire est en train de se répéter, les larmes coulent, pourquoi selon vous à chaque manifestation sur l’axe Hamdallaye nous déplorons des cas de morts et des blessés à Balles réelles. Confirmer me vous les dires de Mr Lansana Kouyaté que le gouvernement de Mr condé infiltre à chaque marche des personnes parmi les manifestants pour semer la panique et la provoque au niveau du siège RPG-arc-en –ciel ?
BAH Oury : C’est dans les habitudes des forces de l’ordre d’infiltrer les manifestants et de procéder à des provocations. Il est loisible aux autorités d’imputer les violences enregistrées aux manifestants, en feignant d’ignorer les dizaines de jeunes tués par des balles réelles tirées par les forces de l’ordre. En plus ce n’est pas un hasard si à chaque manifestation les personnes tuées sont des habitants de l’axe Hamdallaye – Cimenterie.
Guineenews : D’après El hadj cellou Dalein, le gouvernement a donné beaucoup d’argent aux jeunes de l’axe Hamdallaye pour ne pas qu’ils manifestent contre le pouvoir en place, mais cependant, la consigne et la manipulation selon Cellou Dalein n’ont pas fonctionné sur le terrain. C’était le contraire, les jeunes sont massivement sortis en scandant des propos très hostiles au régime de MR d’Alpha condé. Qu’en dites-vous ?
BAH Oury : Les jeunes de l’axe de la liberté et du changement se sont battus sans relâche depuis près d’une décennie pour la liberté et la démocratie en Guinée. Ils ont payé un très lourd tribut au cours de cette période. Des centaines de leurs camarades ont péri sous les balles des forces de l’ordre. Enfants, ils ont vu leur quartier Kapora rail détruit et les familles dispersées. Ils font également l’objet d’un mépris et d’une négation de leurs droits de citoyens. Ce n’est pas la corruption et quelques liasses distribuées nuitamment qui vont détourner cette jeunesse de sa mission et de ses convictions démocratiques. Ils savent qu’ils incarnent l’avenir et l’espoir de toute la nation. Ce n’est pas non plus un hasard, si ces quartiers qui sont parmi les mieux urbanisés de Conakry sont qualifiés de ghettos par M. Alpha Condé. Ces propos sont lourds de menaces pour la commune de Ratoma. En filigrane, un projet de destruction et de délocalisation de ces zones serait certainement dans le programme du gouvernement actuel.
Guineenews : Le gouvernement a adopté des mesures de lutte contre les crimes économiques et l’amélioration de la bonne gouvernance économique. Ainsi, le taux d’inflation a été maitrisé, le FG s’est stabilisé. Cela a d’ailleurs permis à l’Etat l’atteinte en septembre 2012 le point d’achèvement de l’initiative pays pauvres très endettés avec le fonds monétaire international et la banque mondiale, aboutissant à l’annulation de plus des 2/3 de la dette multilatérale du pays, soit un montant total 2,1 milliards de dollars, ensuite, le club de paris a annulé, en octobre 2012 aussi 99,2 % de la dette soit 655,9 millions de dollars. Cela aurais pu réduire la pauvreté et permettre au gouvernement de créer des emplois mais, ce pendant ce sont plutôt des entreprises qui sont entrain de fermer ? Quel regard porter vous sur cette situation ? Nos ressources sont-ils gérées dans la transparence ?
BAH Oury : Permettez-moi d’abord d’apporter quelques précisions. Pour la seule année de 2010 le gouvernement d’Union Nationale et de Transition de Jean Marie DORE a fait exploser la masse monétaire de 40% en utilisant à outrance la planche à billets. Le mérite de la gouvernance actuelle est d’avoir stoppé cette création monétaire sans contreparties en biens et services et d’avoir augmenté substantiellement les réserves de change qui ont atteint 5,4 mois d’importation à juin 2012.Toutefois cette amélioration dû essentiellement à des opérations exceptionnelles en provenance du secteur minier n’inversent pas les déséquilibres macro-économiques structurels qui handicapent le pays. Le taux d’inflation, reste le plus élevé de tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. Les mesures prises sont essentiellement administratives et par conséquent n’ont pas modifié la structure de l’économie guinéenne. D’ailleurs certaines caractéristiques pathogènes comme la corruption et la mauvaise gouvernance se sont amplifiées.
Nous nous félicitons de l’atteinte très tardive du point d’achèvement de l’initiative PPTE. Mais malheureusement, la création de nouvelles richesses est faible, car l’économie réelle générée par le secteur privée est faible. Les attentes au niveau du secteur minier ont été déçues. Ce secteur essentiel est plus marqué par le développement de l’affairisme et de détournement des deniers publics. Le fils d’Alpha Condé est devenu « l’empereur des mines ». Le secteur énergétique indispensable pour le développement des activités créatrices de revenus n’a pas connu une amélioration significative malgré les 300 millions de dollars US engloutis dans les projets d’EDG. Pire encore, l’eau denrée sans laquelle la vie devient impossible est un luxe à Conakry. La gouvernance d’Alpha Condé me parait plus comme une course effrénée à l’enrichissement illicite et au pillage des ressources nationales au profit d’un clan et d’une famille.
Guineenews : De nombreuses compagnie minière ont signé des accords avec le gouvernement de Monsieur alpha condé, mais le vrai investissement sur le terrain peine à se réaliser, pensez-vous pas que c’est pour la raison que Mr Condé veux aller aux élections afin que ses compagnies démarrent parce que vraisemblablement ils ne sont pas prêt à investir sans un parlement. Qu’en pensez-vous ?
BAH Oury : En partie, c’est vrai ce que vous dites. Mais les compagnies minières ont leur propre lecture de leurs intérêts spécifiques. La Guinée, à cause de la crise de la gouvernance qui la caractérise depuis plus d’une décennie a raté les phases porteuses du cycle de développement des matières minières extractives. Aujourd’hui il y a des incertitudes sur l’évolution de l’économie mondiale et le caractère imprévisible de l’humeur des dirigeants guinéens ne facilitent pas la lisibilité et la visibilité de la situation guinéenne. L’existence d’un parlement aurait amoindri ces aspects négatifs. Mais faudra-t-il que ce parlement puisse avoir une réelle légitimité. Tout le problème est là.
Guineenews : Le président de la CENI, Mr Bakary Fofana viens de convoquer les candidats désireux de se présenter aux élections législatives de déposer leur listes que va-t-il se passer ?
BAH Oury : Le processus électoral actuel s’appuie sur une illégalité complète. Au moment où des listes sont réclamées par la CENI, un recensement électoral est en cours dans le pays. Or le code électoral évoque une révision des listes. Un fichier électoral de 6 millions d’électeurs est semble-t-il déjà confectionné. Aucune transparence ! Avec de tels agissements le désastre sera considérable. Les mauvaises élections en Afrique ont très souvent annoncé le début de conflits meurtriers et fratricides. En sera-t-il- autrement en Guinée ? Rien n’est certain.
Guinéenews : Il y a eu violation du secret de l’instruction en vous nommant comme étant instigateur du coup d’Etat contre monsieur Alpha condé bien avant le début des enquêtes préliminaire, Ce que nous pouvons remarquer depuis le début du procès en aucun moment un accusé n’a parlé de vous mais cependant, le commissaire Fabou dit avoir détenir des preuves irréfutables contre vous, il peine néanmoins à vous inculper. D’ailleurs beaucoup de gens disent que vous seriez disculpé de l’accusation. Qu’en pensez-vous ?
BAH Oury : Avec une justice aux ordres, je m’attends à tout. Ce qui m’importe le plus dans cette affaire est le sort des dizaines de civils et de militaires injustement incarcérés. Le procès a permis de montrer aux plus sceptiques que les réflexes hérités des pratiques du sinistre camp Boiro, demeurent vivaces dans l’environnement carcéral guinéen. Par ailleurs, la société politique guinéenne est schizophrène et est encore marquée par les méthodes staliniennes du parti-Etat le PDG de Sékou Touré. La violence, les meurtres, la délation et les mensonges ternissent l’image de la Guinée dans le monde. Malheureusement les dirigeants guinéens de l’indépendance à nos jours ont montré leurs désintérêts pour le respect des droits de l’homme et du citoyen en Guinée.
Guinéenews : Vous avez récemment interpelé les nations unies au sujet des élections législatives prévues le 30 juin prochain en Guinée. Cependant, une marche prévue jeudi avait été suspendu à la demande des Nations unies. Nous avons appris que votre passage au Haut-commissariat des Nations unies a été pris avec beaucoup au sérieux. Qu’en dites-vous ?
BAH Oury : le rôle du responsable politique est d’anticiper et d’alerter aussi bien l’opinion nationale que la communauté internationale sur les dangers qui guettent tout un pays. De ce point de vue, j’essaye d’assumer mes responsabilités. Je me réjouis que mon action soit prise en compte. Toutefois il reste beaucoup à faire pour trouver une voie de sortie de crise pour notre pays. Quel que soit l’importance des écueils, il est essentiel de ne pas baisser les bras.
Guinéenews : Pensez-vous que les Nations Unies saurons trouver un consensus sur ce sujet qui, particulièrement implique l’avenir de notre pays. Sinon à quel scénario pourront nous s’attendre ?
BAH Oury : Comme je vous l’ai dit, il est difficile d’envisager l’avenir avec optimisme tant qu’Alpha Condé sera au pouvoir. Sa gouvernance est malheureusement caractérisée par l’exacerbation de l’ethno-stratégie, la violence et le mépris des règles de l’Etat de droit. Le projet politique qui a sous-tendu l’accession d’Alpha Condé est bâti autour des conservatismes qui depuis l’indépendance ont bloqué l’évolution politique et économique de notre pays. C’est ainsi les nostalgiques du parti- Etat et les milieux prédateurs qui ont accompagné la gouvernance du Général Lansana Conté vivent en parfaite intelligence autour de la présidence d’Alpha Condé. A maints égards, le système actuel est l’illustration la plus significative du modèle prédateur néo-patrimonial dont l’épine dorsale est l’ethnocentrisme militant de la coordination mandingue. C’est pour cela que je n’entrevois pas une possibilité pour les Nations Unies de contrecarrer ce programme politique uniquement par la voie diplomatique. Les violences répétitives, les politiques d’exclusions et de marginalisations et le mépris des droits des citoyens et des principes de l’Etat de droit ne sont pas fortuites. Ils rentrent dans un vaste cadre d’embrigadement des populations guinéennes et de siphonage des ressources nationales par un clan mafieux dont le chef de file est l’actuel Chef de l’Etat guinéen. A mon sens, l’alternative la plus réaliste pour sauver la Guinée d’une descente aux enfers est le départ du pouvoir d’Alpha Condé. Il appartient aux guinéens d’agir dans ce sens pour éviter les affres de la guerre civile, pendant qu’il est temps.
Guinéenews : Certaines personnes vous taxent Monsieur Bah d’extrémiste et dure à l’égard de Monsieur Alpha condé dès le début de sa mandature. Que répondez-vous à ceux qui vous collent cette étiquette ?
BAH Oury : Dès le début Alpha Condé a décliné sa stratégie politique en stigmatisant une partie de la communauté nationale, en montrant sa volonté de réduire à néant les acquis démocratiques antérieurs tout en foulant au pied les règles constitutionnelles et le cadre réglementaire du pays. Pour un pays qui a souffert dans sa chair des tragédies du 22 janvier 2007 et du 28 septembre 2009, il était important de réconcilier et d’apaiser les rancœurs au lieu d’exacerber les passions ethnocentriques. La gouvernance d’Alpha Condé a dès le début opté pour l’exclusion et la politique de la terreur et a superbement ignoré l’autorité de la loi. Par conséquent ma réaction est logique, car je me suis toujours opposé aux dictatures dans notre pays. Il n’y a aucune exception à faire pour le régime d’Alpha Condé car il a bafoué l’intérêt national et mène le pays à la ruine. C’est un devoir civique et patriotique de s’opposer à un régime anti-démocratique et violent. Si être favorable au respect de la loi et des droits de l’homme est considéré comme étant extrémiste alors je suis extrémiste. L’exigence de démocratie et de respect des droits des citoyens est une autre manière de promouvoir la paix et la réconciliation. BAH Oury s’inscrit dans cette voie.
Guinéenews : Un membre de votre bureau politique national en la personne de Monsieur Konaté à claquer la porte et a rejoint les rangs de la mouvance présidentielle il n’y a pas longtemps. Il a dénoncé certaines pratiques au sein de votre formation politique UFDG qu’il ne partage aucunement. Quelle lecture faites-vous sur le fonctionnement de L’UFDG aujourd’hui ?
BAH Oury : Dans un environnement multi-partisan et d’exclusion des emplois publics de tous les cadres proches de l’opposition démocratique, il n’est pas étonnant que le débauchage politique se développe à l’approche des élections législatives. La mouvance présidentielle use de la corruption et des promesses d’obtention de « postes juteux » pour s’attirer les cadres les plus fragiles pour tenter d’affaiblir les forces démocratiques. Mais d’ores et déjà le pouvoir ne parviendra pas à ses fins car il a perdu la confiance d’une large majorité des guinéens. Le développement acatuel de la contestation sociale et politique du régime est un indicateur éloquent que le vent du changement a commencé à souffler en Guinée.
Par ailleurs, le fonctionnement de l’UFDG aujourd’hui est critiquable en maints points essentiels. Ce parti que nous avons fondé à la fin des années 80 pour incarner les aspirations démocratiques des guinéens et leur volonté de faire émerger une nation moderne, prospère et fière de la richesse des diversités ethniques qui la composent a besoin d’une profonde réforme pour assumer son rôle et sa mission. L’UFDG sera une institution politique durable et forte pour que la Guinée puisse saisir ses chances. J’inscris mon engagement politique dans ce difficile combat. Bien entendu les adversités sont multiples et parfois inattendues. Mais j’ai la ferme conviction que le chemin que nous empruntons est celui qui nous permettra de faire de notre pays, un grand pays pour les prochaines années. Un parti structuré, fort et démocratique tel que nous le voulons, pourra stopper le cycle du déclin et des dictatures.
Guinéenews : Des mesures ont été prises par un groupe de juge nommé par le parquet général de Conakry pour enquêter sur les évènements du 28 septembre 2009 certes mais le gouvernement peine à accélérer les poursuites judiciaires contre les responsables de ces évènement, y compris les uteurs d’actes de violences sexuelles commis sur des femmes et des jeunes filles. Cependant, un gendarme vient d’être inculper pour viol à ce sujet. Comment expliquer vous ce retard de résultats ?
BAH Oury : Le gouvernement d’Alpha Condé n’a aucune volonté de faire la lumière sur la tragédie du 28 septembre 2009. De temps en temps il agite un foulard rouge pour tenir en respect certaines forces ciblées par les enquêteurs internationaux. C’est ainsi qu’il a complaisamment accepté d’autoriser la participation du Capitaine Dadis Camara à l’inhumation de sa mère. De manière plus globale le devoir de mémoire est indispensable, sinon d’autres tragédies plus vastes et plus meurtrières pourront endeuiller encore la Guinée. La préservation de l’avenir du pays, nécessite que tous les acteurs politiques, sociaux et institutionnels aient une attitude conséquente et cohérente pour empêcher la répétition des tragédies collectives. Malheureusement nous sommes loin du compte pour le moment. Cette réalité rend notre situation collective encore plus douloureuse.