« Le combat contre Ebola, c’est le combat pour la vie et le combat pour la vie passe par le combat de la prise en compte de l’essentiel des aspirations des populations guinéennes qui aspirent à la sécurité, au bien-être qui aspirent à vivre dans les conditions les meilleures. »
Le vice-président de l’UFDG Bah Oury en séjour actuellement à Dakar comme à l’accoutumé pour voir les officiels du Sénégal et certains organismes afin de plaider en faveur la Guinée qui se trouve dans une situation dramatique, a mis cette occasion à profit pour animer une conférence débat à l’ancienne Mairie de Medina en plein centre-ville de Dakar. C’était dimanche, 26 octobre 2014, a-t-on constaté sur place. Cette conférence sous le thème « la situation Sociale et Politique de la Guinée », était organisée par le bureau fédéral de l’UFDG au Sénégal.
Lors de son exposé, il a basé ses argumentaires sur deux aspects qu’il considère comme cause du malheur de la Guinée : la mal gouvernance, par preuve les 20 millions de dollars us saisissent par les autorités de Dakar qu’il qualifia de blanchiment d’argent et détournement et surtout la mauvaise gestion de la crise d’Ebola dont Monsieur Alpha Condé et son gouvernement, selon lui traitent avec laxisme ou font de cette crise un moyen pour rechercher leur fonds de commerce.
Après cette conférence de presse, le vice-président de l’UFDG a accordé une interview exclusive à Guinéenews©. Lisez !
Guinéenews© : Pourquoi êtes-vous à Dakar ?
Bah Oury : Je suis à Dakar depuis 4 jours (jeudi, 23 octobre 2014) comme à l’accoutumé pour voir les officielles, les amis et certains organismes pour évoquer la situation malheureuse et dramatique de la Guinée.
Guinéenews© : Quelle appréciation faites-vous aux efforts du gouvernement sur la lutte contre le virus Ebola ?
Bah Oury : Je vous dis directement que je suis très inquiet, cette situation de la Guinée par ce que les autorités guinéennes ont été relativement laxistes dans la gestion de cette calamité, pourquoi laxiste par ce que les premiers malades ont été détectés en décembre 2013 ; il a fallu, vers la fin du mois de mars 2014 pour qu’officiellement Ebola soit déclaré en Guinée comme étant présent sur le sol.
Durant ces 4 mois, on a perdu du temps, on a perdu des opportunités de prendre des mesures qu’il fallait pour juguler la maladie. Indépendamment de cela, après la déclaration de la présence d’Ebola en Guinée, les autorités guinéennes ont fait preuve de laxisme et de négligence coupable. Des déclarations de Monsieur Alpha Condé pour dire que l’Ebola ne lui fait pas peur en accusant MSF (médecins sans frontière) qui se décarcasse pour soigner les malades, de dramatiser la situation pour collecter de l’argent à l’étranger et ça fait perdre à la Guinée et aux responsables une prise de conscience de la dangerosité de la maladie et malheureusement ça fait beaucoup de victimes.
Au-delà de notre pays, ça touché le Libéria et la Sierra Léone et ces pays sont sinistrés ; donc de ce point de vue et ce qu’il faut déclarer, c’est que les autorités guinéennes ont fait preuve de négligence coupable. Ceci dit, un autre problème qui s’est greffé par la suite vous constaterez que les Nations Unies et le conseil de sécurité ont déclaré que la présence du virus Ebola est une menace pour la paix et la sécurité internationale et là aussi, les autorités guinéennes n’ont pas pris en compte l’offre du président Hollande de créer un centre militaire en Guinée Forestière pour nous aider à lutter contre la maladie. Alors que de l’autre coté au Libéria et en Sierra Leone, les Américains avec 300 soldats sont présents, et la Grande Bretagne envoie des centaines de soldats pour aider ces deux pays. Nous, on fait comme si on peut se suffire à nous-mêmes et notre pays est le foyer principal de la propagation de la maladie. Et c’est pourquoi, j’ai attiré l’attention des officielles des Nations unies ici présentes à Dakar et d’autres comme les autorités sénégalaises pour ramener les autorités guinéennes à faire preuve de responsabilité dans la gestion de la maladie.
Guinéenews© : Est qu’on peut dire que c’est Ebola qui a empêché la tenue des élections communales en Guinée ?
Bah Oury : Vous savez, la mal gouvernance touche tous les secteurs. Avant Ebola, il y avait la méningite, le choléra et le paludisme ; Ebola reflète une mauvaise gestion des structures sanitaires de la Guinée, le fait de ne pas organiser les élections communales, c’est un laxisme et une mauvaise gouvernance politique. Monsieur Alpha Condé est en train de dire qu’aujourd’hui, Ebola c’est son problème ; donc, le reste ne l’intéresse pas et vous voyez qu’il utilise des prétextes comme des drames qui s’abattent sur des populations guinéennes pour refuser d’aller dans le sens d’une gouvernance politique conforme à la constitution telle que prévue par les lois de la République. Ainsi, c’est pour vous dire que je suis désolé de constater que la gestion économique se passe incorrectement.
Guinéenews© : Est-ce qu’éventuellement Ebola pourrait empêcher la tenue des élections présidentielles en 2015 ?
Bah Oury : Je pense que le pays est sinistré par la propagation du virus Ebola ; maintenant, on se trouve devant un autre dilemme comment faire pour qu’il y ait une gouvernance sérieuse, crédible pour prendre en charge les problèmes de la Guinée. Faut-il laisser cette gouvernance irresponsable continuer à mener le pays à sa perte ou faut-il lui dire halte il faut que ça s’arrête ? Est-ce que ça doit passer nécessairement par le processus électoral ?
Mais, dans le contexte actuel, pour que le pays ne sombre pas davantage, la gouvernance politique doit être conforme à l’esprit des institutions et indépendamment de la maladie Ebola. Et, Alpha Condé n’avait nullement l’intention de respecter les principes de la démocratie et de la constitution guinéenne, mais la volonté populaire doit prévaloir pour imposer un agenda politique qui ne correspond pas à l’agenda de Monsieur Alpha Condé. Personnellement, j’y travaille.
Guinéenews© : De quoi, doit-on s’attendre aujourd’hui de vote part : un combat contre le virus Ebola ou un combat pour la démocratie en Guinée ou un combat pour la tenue des élections en Guinée en 2015 ?
Bah Oury : Le combat contre Ebola, c’est le combat pour la vie et le combat pour la vie passe par le combat de la prise en compte de l’essentiel des aspirations des populations guinéennes qui aspirent à la sécurité, au bien-être qui aspirent à vivre dans les conditions les meilleures. Malheureusement, la gouvernance est telle qu’aujourd’hui que ce soit l’intérêt du pays, que ce soit à l’extérieur, aucun Guinéen ne se sent en sécurité ; tous les Guinéens sont stigmatisés un peu partout à travers le monde du fait de la mauvaise gouvernance et de la mauvaise gestion de la maladie Ebola en Guinée.
A cet effet, notre responsabilité est engagée. Faut-il laisser une gouvernance qui va encore nous rendre la vie plus difficile ou faut-il se donner les moyens pour dire à la gouvernance de Monsieur Alpha Condé, stop ? Il faut que ça change ; il faut qu’on prenne nos responsabilités en tant que citoyens pour envisager un autre devenir pour la collectivité et c’est une nécessité impérieuse. Sinon, c’est le pays tout entier qui va sombrer à cause d’Ebola et continuera a sombrer encore à cause de la mauvaise gouvernance. La famine qui va être la conséquence de la fermeture du pays à l’heure actuelle et avec ça, c’est l’in-gouvernabilité qui va en résulter avec les drames que vous connaissez que ça soit en Somalie et d’autres pays qui font office d’exemple.
Guinéenews© : Quelles sont les stratégies de l’UFDG pour fédérer les autres forces politiques en sa faveur pour les élections de 2015 ?
Bah Oury : Personnellement, mon plan est qu’il faut mobiliser les forces vives du pays pour lutter contre Ebola qui passe par le changement de la gouvernance du pays comme en 2007 parce que je ne dissocie pas la lutte contre Ebola et la lutte pour le changement de la gouvernance de Monsieur Alpha Condé. Je ne dis pas qu’il faut attendre des élections hypothétiques pour mobiliser le pays, tout le monde entier pour exiger un changement de manière globale sinon, on risquerait de se retrouver dans un environnent ou on compterait des milliers de morts du fait de la propagation de la maladie et de la misère.
Le tissu économique est également bloqué à tous les niveaux. Dans quelque mois, c’est la famine qui va faire mourir les gens. Donc, aujourd’hui, l’urgence c’est changer de gouvernance pour faire en sorte que les forces vives du pays se mobilisent pour faire partir Monsieur Alpha Condé et faire face à la crise sanitaire et à la crise économique.
Guinéenews© : Pour cela, selon vous, quelles sont les manières les plus appropriées pour mobiliser ces forces politiques ?
Bah Oury : La misère est là, Ebola est là ; la situation économique est désastreuse ! Ceux qui gagnaient un peu ne gagnent plus rien ; le pays est isolé par rapport à l’extérieur ; la communauté internationale nous regarde avec suspicion puisque les autorités guinéennes ne font pas correctement le travail pour stopper la propagation du virus. Le conseil de sécurité a décrété que la situation d’Ebola est une menace mondiale. Si nous Guinéens, nous ne sommes pas en mesure de faire face à Ebola, la communauté internationale va obliger les autorités guinéennes à être plus responsables et de ce point de vu, on leur exige de changer totalement de gouvernance.
Guinéenews© : On vient à peine de nommé Kassory Fofana comme ministre d’Etat en charge des questions d’investissements et des partenariats publics et privés. Quelle lecture faites-vous de cette nomination ?
Bah Oury : Il est de droit en politique que le chef de l’Etat nomme, qui, il veut dans son gouvernement. De ce point de vu, il n y a aucune bizarrerie. En plus le GPT (Guinée pour tous) était dans la mouvance, moi ça ne m’étonne pas, mais il faut avoir une lecture plus globale, de quoi Monsieur Alpha Condé attend de la nomination de Kassory ? C’est vrai, Kassory Fofana, est une personnalité forte que nous connaissons bien qui a été dans le gouvernement du général Lansana Conté qui a toujours une indépendance d’esprit et de force de caractère. C’est son mérite ! Mais est-ce qu’il pourra faire quelque chose ? Ça pose problème parce que la situation est complètement pourrie. Donc, elle est désespérée premièrement et deuxièmement pourquoi la nomination de Mr Kassory Fofana ? Monsieur Alpha Condé est en train de faire de l’ethno-stratégie son arme essentielle de sa politique.
Faire croire à certaines personnalités de la Basse Côte qu’on peut les inter-changer ou utiliser au gré de son humeur et de ses intérêts politiques sans pour autant que sa gouvernance ne soit remise en cause, c’est la première explication de cette nomination. Est-ce que ce sont les compétences techniques et une capacité d’avoir une meilleure gouvernance qui fait que Mr Kassory Fofana est nommé ? Je ne le pense pas pourquoi ?
Mr Idrissa Thiam, ministre de l’Energie et de l’hydraulique en terme de personnalité compétente et connaisseur et ayant une certaine expertise dans certains domaines a été démis de ses fonctions pour être ramené à la présidence. Cela veut dire que ce ne sont pas les compétences techniques mais plutôt, c’est le gain politique qui intéresse Monsieur Alpha Condé et c’est une manière politique de manipuler la Basse Côte.
Pour la Guinée Forestière, il est en train d’écraser les gens et de réprimer. Pour une simple revendication, il fait subir les affres à la population civile, c’est inacceptable et c’est indigne. En ce qui concerne la Moyenne Guinée, après avoir réprimé par la force les manifestations pacifiques, il se tourne aujourd’hui vers eux et dit tiens on va utiliser d’autres stratégies et cibler les éléments à abattre, ce qui explique l’élimination, et l’assassinat politique du président de la section motard Amadou Oury Diallo. Au lieu de s’attaquer à la masse, on s’attaque à des personnalités cibles parce que, à partir de ce moment, c’est comme si on décapitait l’UFDG. Je répète, se taire sur ces graves violations des droits de l’homme, sera irresponsable de notre part et surtout c’est notre liberté qui est en jeu ; une non mobilisation efficace contre l’assassinat d’Amadou Oury Diallo aggrave et expose la vie de tous les responsables politiques.
C’est la première fois dans l’histoire moderne de ces vingt dernières années qu’un responsable politique nommément, est ciblé et est abattu. Si pour certains, ça fait partie de quelque chose de banale, pour moi, l’assassinat de Amadou oury Diallo est un fait politique majeur qui doit nous permettre de tirer toutes les leçons et de toutes les conséquences par rapport à l’évolution politique immédiate de notre pays. Donc, pour me résumer, Monsieur Alpha Condé en nommant Mr Kassory Fofana est en train de distraire la Basse Côte pour gagner du temps.
Par ailleurs, la Haute Guinée, dans un budget agricole donne à la région de Kankan 43 milliards ; 800 millions pour la région de Mamou, 2 milliards pour celle de Labé, 3 milliards pour celle de Faranah, la somme identique pour N’Nzérékoré et Kindia aussi la même chose. Bref, c’est une politique discriminatoire et qui remet en cause l’unité du pays, la cohésion sociale et tout le monde a intérêt à dire à ce Monsieur, tu ne vas pas brûler ce pays avant que tu n’atteignes ton objectif, on va te donner un coup de pied et c’est le moment de le faire.
Guinéenews© : À quand le retour de Bah Oury en Guinée ?
Bah Oury : Je suis un exilé politique ; les exilés politiques rentreront dès que la situation politique va nécessairement changer et je me donne les moyens pour que la situation politique change le plus rapidement possible et ça ne m’empêche pas d’agir, et de penser pour l’intérêt du processus démocratique et de tout ce qui peut être dans le sens d’amener du bonheur à tous nos compatriotes, c’est à dire à tous les Guinéens.
Interview réalisée par Sékou Keita, chef du Bureau de Guinéenews© à Dakar avec la collaboration de Kalil Touré, reporter de Guinéenews dans les régions du Sénégal.