« Alpha Condé vient de déposséder BSGR des blocs 1 et 2 avec des conséquences juridiques qui risquent de nous être imputables et qui vont amener la Guinée à s’engager dans des procédures judiciaires qui ne vont pas se terminer de sitôt. »
Suspendu par son parti pour avoir installé une structure parallèle, notamment une fédération en France, le vice-président de l’UFDG Bah Oury état à Bruxelles le weekend dernier sur invitation des sages interpellés par la crise interne qui mine la principale formation de l’opposition politique guinéenne, a appris Guinéenews© de sources proches du parti. À cette occasion, votre quotidien en ligne lui a tendu le micro pour aborder les questions entre autres la situation de la médiation entre lui et son président, sa suspension de son parti, les accords du 3 juillet 2013, les attaques en série dirigées contre Cellou Dalein, Médecins Sans Frontières, Benny Steinmetz de BSGR de la part du président de la République lors de l’assemblée générale du RPG samedi 10 mai, etc.
Guinéenews© : A peine une semaine après le départ de Bruxelles du président de votre parti Cellou Dalein, pouvez-vous nous dire les raisons de votre présence ici ?
Bah Oury : J’ai été invité par les sages de la communauté de Bruxelles qui avaient rencontré El hadj Cellou Dalein il y a, à peine 3 semaines, car la crise au sein de l’UFDG les a interpellés. Ils se sont dit qu’après avoir écouté le président de l’UFDG, il serait bon d’entendre les explications du premier vice-président du parti pour que lui aussi, expose les faits qui ont amené cette contradiction au sein du principal parti de l’opposition guinéenne.
Guinneenews© : Effectivement, par rapport à cette crise au sein du parti, selon nos informations vous avez été invité au Sénégal par une commission de médiation qui s’emploierait à trouver une solution à la crise interne qui mine l’ufdg, notamment entre vous et le président du parti Cellou Dalein. Concrètement, quelle la situation de la médiation ?
Bah Oury : La médiation engagée par les sages sous l’égide de El Hadj Saikou Yaya Barry est en train de faire son travail. Je l’ai rencontré fin avril à Dakar avec d’autres personnes membres de la commission venant de la guinée. Je leur suis gré pour le déplacement qu’ils ont effectué, cet effort et cette marque de reconnaissance en ma personne. Les discussions sont engagées, ils attendent le retour du président de l’ufdg pour entamer de ce côté-là, les discussions en vue de nous faire rencontrer avec des personnes ressources de qualité pour voir les voies et moyens de trouver une issue à la crise qui mine l’ufdg aujourd’hui.
Guinéenews© : A quand est prévue cette rencontre ?
Bah Oury : Je ne maitrise pas l’agenda des uns et des autres, ça ne va pas tarder parce que la commission a reçu mandat d’agir vite avec diligence pour ne pas laisser perdurer une situation déplorable et qui n’est pas du tout bénéfique pour l’ufdg. Je pense que ça devrait être fin mai ou début juin, car il est indispensable que les premières discussions puissent se tenir pour tracer les sillons qui permettront à l’ufdg d’envisager le court terme avec plus de lucidité et avec plus de clarté pour mener la lutte contre la dictature que mène Alpha Condé au pays.
Guinéenews© : A Dakar, vous avez comparé votre président, je cite à « un chef d’entreprise qui ne cesse de faire des faillites, donc, la solution est de le remplacer », avant de préciser qu’ «il dirige l’ufdg de façon anti-démocratique et en même temps il prône la lutte contre la dictature ». Maintenez-vous vos propos ?
Bah Oury : Mes propos à Dakar au lendemain de la suspension de Bah Oury doivent être compris comme suit. Dans une institution démocratique, tous les dirigeants doivent rendre compte à tout moment, donc faire le bilan de leur parcours. A partir de ce moment-là, comme l’institution est une propriété collective, les militants devront choisir en connaissance de cause par rapport à la situation historique, quels sont les hommes et les femmes les mieux indiqués pour les présider ou pour conduire les destinées de cette institution. Je prône l’indispensable consultation de manière régulière des militants par la voie populaire pour faire le bilan. Dans un parti politique après un grand évènement, après une élection majeure, il est bon de consulter à nouveau les bases, de reconfirmer un contrat politique, un contrat social qui permet d’apporter des réajustements indispensables pour que l’institution puisse survivre et continuer sa mission comme ça se doit. Aujourd’hui, l’ufdg connait des problèmes, il est indispensable que ces problèmes soient connus et débattus de manière profonde pour faire le bilan et faire la part des choses entre les responsabilités individuelles et les responsabilités collectives. Cela est tout à fait sein au sein d’une institution démocratique, cela permettra d’avoir une institution forte plutôt que des hommes forts, comme l’a dit le président Obama.
Guinéenews© : Je rappelle que vous êtes suspendu par les instances du parti, pour avoir dit-on au bureau national crée une structure parallèle au sein du parti. Et si cette suspension n’était qu’une étape vers votre exclusion totale de l’ufdg si les choses ne s’arrangent pas. Qu’allez-vous faire ?
Bah Oury : Toutes ces questions vont être abordées par la médiation qui est composée pas seulement de personnes de qualité mais une médiation qui représente un fort courant des militants et des sympathisants de l’ufdg. En quelque sort, c’est comme si c’est la société civile de l’ufdg qui s’implique. Ne pas aller dans le sens du souhait de cette société civile proche de l’ufdg, c’est prendre le risque pour tout homme politique de se couper de sa base. Personnellement, j’adhère aux aspirations et aux attentes de la grande majorité des militants et militantes de l’ufdg qui veulent un parti fort respectueux des principes démocratiques parce que c’est la seule voie permettant de mobiliser l’ensemble du peuple de guinée pour contrer une dictature qui est en train de sévir.
Guinéenews© : Parlant de la politique nationale, selon les accords politiques inter-guinéens du 3 juillet 2013, les élections communales et communautaires devraient se tenir dans le courant du premier trimestre 2014, accords non respectés par la mouvance qui a récemment accusé l’opposition. Quelle est la stratégie de l’opposition pour amener les différents acteurs chargé d’organiser ces élections pour prendre en compte ses appels qui ne sont pour le moment pas entendus, disent les analystes ?
Bah Oury : Pour moi, j’avais déclaré que les accords du 3 juillet 2013 était une faute politique grave. Ces accords ne seront jamais respectés par M. Alpha Condé mais ces accords lui ont permis de faire ce que bon lui semble car on se dirige vers le troisième trimestre de 2104 et il n’y aucun indice qui montre que ces élections seront organisées même en 2015. Il a roulé tout le monde dans la farine. C’est ce que je craignais et malheureusement, c’est ce qui est arrivé. Alpha Condé ne respectera absolument rien du tout qui ne va pas dans le sens de ses intérêts. Le report de ces élections à une date inconnue traduit le peu de sérieux que M. Alpha Condé accorde à ces accords du trois juillet.
Guinéenews© : Ce report des communales et communautaires ne va-t-il pas entrainer un report des présidentielles prévues en 2015, alors quel va être le scenario quand le mandat du président ne sera plus légal ?
Bah Oury : Personnellement, je ne me suis jamais engagé dans l’agenda actuel puis que j’avais estimé que la gouvernance d’Alpha Condé est une gouvernance hors la loi, hors norme qui viole la constitution et ne respectera aucune disposition règlementaire et aucun chronogramme officiel. Cela veut dire qu’en Guinée c’est la mal gouvernance à tous les niveaux, mal gouvernance économique, mal gouvernance institutionnelle. La guinée qui a des dispositions pour aller de l’avant et de réussir est aujourd’hui parmi les derniers pays du continent. Cette mal gouvernance a atteint aujourd’hui un tel stade où c’est la stabilité globale de la guinée qui est en jeu.
Guinéenews© : Les accords du 3 juillet 2013 avaient quand même permis de sortir du blocage politique à cette époque.
Bah Oury : Oui, débloquer la situation et permettre à M. Alpha Condé d’avoir la majorité à l’assemblée nationale et de se donner un semblant de verni démocratique et de restauration de l’Etat de droit. Dans les faits la guinée n’a pas progressé dans la construction d’institutions démocratiques. Tout au contraire, parce qu’il ne faut pas perdre de vue que WAYMARK avec le recensement, c’est le fichier électoral qui est corrompu et saboté, ce qui veut dire des élections qui vont amener fatalement des instabilités et des conflits.
Guinéenews© : Le président de la République lui aussi trouve que les opposants ne reconnaissaient de toutes les façons pas ses acquis, d’ailleurs au cours de l’assemblée générale de son parti il vient de dire, je cite : « Nous avons récupéré nos mines, les blocs 1 et 2 de Simandou, aucun opposant ne nous a félicités » en parlant de lui et son gouvernement vraisemblablement. Il a même fait allusion à des opposants dont Benny Steinmetz (patron de BSGR qui a perdu les deux blocs en question) financerait les manifestations et campagnes politiques. Quelle est votre réaction ?
Bah Oury : Déjà, il faut dire que M. Alpha Condé est en train de ruiner les intérêts de la Guinée. Il avait signé l’accord transactionnelle avec Rio Tinto qui lui a permis d’engranger 700 millions de dollar avec un agenda, un chronogramme qui indiquait que la production des blocs 3 et 4 allait commencer des 2014 ou 2015, aujourd’hui où en sommes-nous par rapport à ce dossier ? Vale était déjà préparé à procéder à la pause des rails pour le renouvellement du chemin de fer Conakry-Kankan. M. Lula, l’ancien président brésilien était venu pour le lancement des opérations, tout ça a été mis à l’eau. M. Alpha Condé vient de déposséder BSGR des blocs 1 et 2 avec des conséquences juridiques qui risquent de nous être imputables et qui vont amener la Guinée à s’engager dans des procédures judiciaires qui ne vont pas se terminer de sitôt. Ce qui fait que d’une manière ou d’une autre BSGR va réussir à immobiliser les ressources minières de la Guinée et de l’autre côté, tout investisseur dans ce contexte ne va pas aller investir dans ce pays et investir dans ces mines parce qu’il y a un contentieux qui est là et qui empêchera tout investisseur sérieux à se rapprocher. Donc, nos ressources sont laissées entre les mains d’entreprises occultes sans aucune visibilité, entre des mouvements, des groupements mafieux dont on ne saura même pas pour quels intérêts ces groupes sont en train de travailler. Donc, les intérêts de la Guinée avec ce que M. Alpha Condé vient de faire risquent d’être gelés et ne pourront pas être profitables à la Guinée pendant un certain temps. Maintenant, lorsque M. Alpha Condé dit qu’il a récupéré des blocs, si on dit que l’ensemble des activités de la gouvernance sous Lansana Conté était du même esprit donc pourquoi s’attaquer à BSGR et laisser les autres ? C’est deux poids, deux mesures, c’est en cela que son attitude est condamnable et il ne travaille pas dans le sens des intérêts de la Guinée et je m’étonne qu’un haut fonctionnaire comme Nava Touré que je connais très bien, qui devrait savoir qu’est-ce qu’il faut proposer, soit le président de la commission qui permette de faire ce genre de propositions qui ne vont pas dans le sens des intérêts de la Guinée. Ces cadres sont en train de sacrifier l’avenir la Guinée. Je ne me prononcerais pas, est-ce que BSGR avait bien fait les choses. Mais le plus important, est-ce qu’à l’heure actuelle, on ne devrait pas remettre en force les accords qui permettraient de faire en sorte que l’intérêt de la Guinée soit sauvegardé et ne pas entrer en conflit avec des groupes miniers qui sont très puissants et qui peuvent nous créer beaucoup plus de difficultés, pour un pays qui est très fragile comme le nôtre.
Guinéenews© : Au cours dette cette même assemblée, parlant d’Ebola, il affirme que Les Médecins Sans Frontières n’ont pas aidé la Guinée, ils ont fait des communications pour qu’ils aient assez d’argent. Est-ce la réalité ?
Bah Oury : M. Alpha Condé insulte les guinéens avec cette déclaration, il insulte tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté qui se sont intéressés à la guinée et qui ont contribué à sauver des vies guinéennes et contribuent à le faire. J’espère que Médecins Sans Frontières n’écoutera pas ces balivernes qui ne sont pas dignes d’un chef d’Etat de la république de Guinée.
Guinéenews© : Toujours au cours de cette rencontre avec les militants de son parti, le chef de l’Etat a fait une attaque en série du président de l’UFDG, en disant que je cite : « il faut qu’on se dise la vérité. Cellou a dit aux investisseurs de ne pas venir en guinée car il n’y a pas de sécurité. Quand Cellou était ministre des travaux publics, Air Guinée et le train Conakry-Kankan marchaient, et on avait des bateaux, etc. Où sont-ils partis ? » Votre réaction !
Bah Oury : Je pense que M. Alpha Condé est en train de jouer à la diversion. La situation politique du pays est très grave, la situation sociale est explosive et la situation économique est désastreuse. Et ça c’est le bilan de M. Alpha Condé durant ses 3 années de gestion. Le passé n’est certes pas du tout lumineux, tout au contraire. Mais en ce qui concerne M. Alpha Condé, c’est sa gestion actuelle qui est en cause, qui interpelle et qui pose des questions. Revenir toujours sur le passé, il peut le faire mais il est mal placé pour le dire car sa gestion durant les 3 ans a montré une mal gouvernance notoire. Les 700 millions de dollars de Rio Tinto, les 150 millions de dollars provenant de l’Angola, les 250 millions de dollars de Sablé et tant d’autres sommes faramineuses, à quoi cela a servi ? Il doit répondre à ces questions avant de pointer du doigt la gestion antérieure de ses prédécesseurs.
Guinéenews© : Justement, par rapport à la situation sociale dont vous faites allusion, il faut rappeler que les syndicats avaient menacé de déclencher une grève illimitée pour protester contre le non-respect des engagements pris par le gouvernement. Quelle devrait être la démarche des syndicats ?
Bah Oury : Je pense que M. Alpha Condé n’est pas du tout lucide, c’est pourquoi il fait des déclarations à l’emporte pierre. La situation actuelle traduit le fait qu’on a atteint une limite du possible, les syndicats ont patienté malgré les menaces que les dirigeants syndicaux ont subies. Vous savez ce qui était arrivé à Amadou Diallo, il a été agressé nuitamment chez lui, l’attaque dont a été victime Souleymane Cissé du syndicat de transport, tout cela montre une gestion crapuleuse des affaires de l’Etat. Maintenant, la situation n’est plus tenable, les gens ont faim, les gens n’ont pas de travail, les jeunes ne peuvent plus patienter et on est la veille d’évènements du genre de 2007, et c’est la raison pour laquelle je dis aux jeunes et aux femmes de ne pas désespérer, de continuer à lutter, de ne pas se laisser intimider, que la victoire est possible en se donnant les moyens et en regroupant les forces vives pour que la gouvernance de M. Alpha Condé soit abrégée pour l’intérêt du pays et pour la stabilité dans notre pays et dans la sous-région.
Guinéenews© : Pour finir, d’un côté vous êtes au centre d’une crise au sein de votre parti politique et de l’autre côté, il y a un pouvoir que vous voulez absolument combattre. N’est-ce pas une situation difficile pour vous ?
Bah Oury : En fait, il y a deux camps politiques qui s’affrontent en Guinée. Il y a les tenants d’une idéologie ancienne avec une mentalité de parti unique qui ne fonctionne qu’avec un parti unique, y compris dans l’ufdg. Il y a une autre dynamique qui veut la promotion des idées et des valeurs de la démocratie, de la liberté, de l’émergence d’une nouvelle élite politique. Et ce sont ces deux courants qui s’affrontent et qui se partagent entre les deux blocs politiques à savoir la mouvance et l’opposition. La mentalité du parti unique est dépassée et ne peut pas conduire la Guinée en avant ; au contraire, c’est le symbole d’une mal gouvernance, de la corruption, du culte de la personnalité, le reniement des valeurs, des libertés et de démocratie alors que l’autre courant est porteur d’idées nouvelles, de changement et moi je me range dans ce courant-là et je suis sûr que ce courant finira par vaincre.
Propos recueillis à Bruxelles par Bassamba Diallo.