Après le congrès national de son parti tenu les 23, 24 et 25 juillet dans la capitale guinéenne, le numéro 2 de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Bah Oury, en exil en France se prononce. Dans cette interview, il nous livre ses sentiments et les prochaines stratégies de l’UFDG pour conquérir le pouvoir.
Guinéenews© : Votre point de vue sur le congrès de l’UFDG ?
Bah Oury : C’est une étape importante dans la vie de l’UFDG, car notre institution politique a montré sa capacité de privilégier l’intérêt collectif pour assurer sa pérennité et la consolidation de son unité, dans un contexte particulièrement troublé. Il ne faut pas perdre de vue que durant ces six dernières années , nous avons enregistré des centaines de morts parmi nos militants au cours de manifestations pacifiques, les blessés et les handicapés à vie se comptent par milliers et les exilés sont nombreux. Ainsi le sang des martyrs a contribué à cimenter l’indispensable cohésion du parti. En plus, l’agressivité barbare contre les militants de l’UFDG de la part des autorités gouvernementales les a poussés à taire des querelles qui paraissent superflues lorsque c’est la survie de notre pays en tant que nation qui est posée. A cet égard, le congrès a fait preuve de maturité et de sens de responsabilité pour préserver l’instrument politique qu’est l’UFDG pour la démocratisation et la construction d’un État moderne en Guinée. Enfin, les délégués sont venus de partout, de l’intérieur comme de l’extérieur du pays. Ce fut un grand rendez-vous politique inédit.
Guinéenews© : Selon vous quelles devront être les prochaines stratégies de l’UFDG pour conquérir le pouvoir en 2015 ?
Bah Oury : Comme vous le savez, notre pays est plongé dans une crise politique sans précédent. La gouvernance d’Alpha CONDE s’est obstinée à détruire les moyens permettant d’obtenir des élections correctes et acceptables en République de Guinée. La CENI est une courroie de transmission du diktat présidentiel, le fichier électoral a été au vu et au su de tout le monde corrompu par le massif enrôlement des enfants des écoles primaires et des collèges en Haute-Guinée, les administrations locales et les chefs de quartiers et des districts ruraux sont inféodés au pouvoir et les institutions judiciaires du pays sont aux ordres. Par conséquent une alternance électorale par les urnes dans ces conditions s’avère difficile. C’est ce constat que nous avons décrit aux instances de l’Union Européenne la semaine dernière à Bruxelles. A cette occasion El hadj Cellou Dalein Diallo a indiqué à juste titre que la participation de l’UFDG aux présidentielles sera évaluée en fonction des mesures suivantes pour améliorer le processus électoral: assistance technique renforcée à la CENI, correction du fichier électoral et mise en place concertée de délégations spéciales sur l’ensemble du territoire selon les résultats de la proportionnelle des législatives de 2013. Pour ce faire, le concours de l’UE est vivement sollicité.
Ceci dit, une évidence saute aux yeux lorsque nous voyons le cas du Burundi. La communauté internationale se trouve totalement démunie et peu désireuse de partir en croisade contre des élections bâclées permettant la reconduction des mandats de dirigeants autocrates et peu soucieux des intérêts de leur pays et de leur population. C’est le cas avec Alpha CONDE. Ainsi , en ce qui me concerne je vois une issue à la crise que par le départ du pouvoir de l’actuel chef de l’État ,en faisant appel à la souveraineté populaire qui peut s’exprimer par des manifestations pacifiques comme le stipule l’article 10 de la constitution. Les dictatures ne sont jamais tombées par des élections qu’elles organisent. Il a fallu des soulèvements populaires pour vaincre les tyrans. La Guinée ne fera pas exception à la règle. L’ensemble des partis de l’opposition démocratique, la société civile et les forces vives du pays sont ainsi interpellés.
Guinéenews© : Vous avez été plébiscité lors de ce congrès au Palais du Peuple et reconduit au poste de N°2 du parti et vous êtes appelé à remplacer le président du parti en cas d’absence ou d’empêchement de ce dernier, quel est votre sentiment ?
Bah Oury : Je suis honoré par la confiance que les congressistes m’ont accordée. C’est une responsabilité et une charge que je tâcherai d’assumer pleinement dans le cadre de la direction collégiale qui vient d’être élue. Je mesure à sa juste valeur les attentes et les espoirs que les militants placent en chacun des responsables de la Direction Nationale et je suis conscient du poids qui pèse sur nos épaules. Je prie Dieu afin de nous aider à avoir la force, le courage, la sagesse et la détermination pour conduire jusqu’au bout, cette noble mission.
Guinéenews© : Peut-on dire qu’après ce congrès, la hache de guerre entre vous et Cellou Dalein Diallo est définitivement enterrée ?
Bah Oury : La hache de guerre, comme vous le dites a été enterrée depuis notre rencontre à Dakar l’année dernière sous l’auspice du Doyen El hadj Saikou Yaya Barry. Le congrès de l’UFDG est un moment pour évaluer la situation politique générale de l’UFDG et de notre pays. A cet égard, le débat contradictoire est essentiel pour définir les orientations futures. A ce niveau, des divergences d’appréciation peuvent exister comme il sied dans toute organisation démocratique. Avoir des vues différentes, pouvoir les exprimer dans un cadre unitaire est une preuve de maturité de l’identité démocratique de l’UFDG qu’El hadj Cellou et moi avons l’obligation de consolider pour que « l’UFDG soit une institution forte et durable ».
Entretien réalisé par Sarifou Barry, France pour Guinéenews©, téléphone 00337 53 93 03 93