Comme nous vous l’annoncions dans une de nos précédentes éditions, le premier Vice-président de l’UFDG, Amadou Oury Bah, connu sous le nom de ‘’Bah Oury’’, s’est prêté, dans une interview, qu’il a bien voulu nous accorder, à plusieurs questions de l’actualité sociopolitique du pays. Dans cette deuxième et dernière partie, il s’est prononcé sur le nouveau code électoral, le dossier de l’attaque du domicile privé d’Alpha Condé ainsi que sa relation avec son président Cellou Dalein Diallo…. Lisez !
Guinéenews :dans le dossier de l’attaque de la résidence privée du président de la République à Kipé, vous avez été accusé d’en être l’un des cerveaux. A l’issue du procès qu’il y a eu de cette affaire, vous avez été condamné puis gracié. Que pouvez-vous dire aujourd’hui sur ce dossier qui, du reste, a quelque peu terni votre réputation en Guinée, d’autant qu’on vous a accusé d’être un putschiste
Bah Oury : il y a ces accusations certes, mais il y a une grâce présidentielle qui est intervenue. Même certains proches de l’UFDG, soi-disant mes amis, m’ont politiquement accusé d’avoir été porteur d’une arme pour tirer sur le journaliste Mohamed Koula, le 5 février 2016. Parfois, la politique est tragique mais par rapport à votre question, je sais qu’il y a des hommes et des femmes incarcérés actuellement. Je n’en dirai pas plus parce que ce qui me préoccupe le plus est que je souhaite que cette page historique soit tournée avec les libérations, leurs élargissements et les recouvrements du droit de citoyenneté pour toutes les personnes concernées par cette affaire. Il faudra laisser à l’histoire le soin, dans 30 ou 40 ans, de revoir les choses et de se dire où est la part de vérité. Pour le moment, je m’arrête là…
Guinéenews : pourtant, un de vos anciens proches collaborateurs, en l’occurrence Thierno Souleymane Diallo, vous a récemment accusé d’avoir été informé de cette attaque.
Bah Oury : vous savez, il y a toujours des Judas. Même Jésus avait Judas avec lui. Il y a des gens payés pour raconter n’importe quoi et d’autres pour les incriminer et leur porter préjudice. Il y a même des gens qui se disent responsables de l’UFDG en 2013 qui disaient que Bah Oury est en train de rassembler l’argent de la diaspora pour faire une intervention militaire à partir des pays frontaliers. Et cela a circulé. Il y a beaucoup de choses que les esprits malveillants vont dire mais ce qui est le plus grave, ce sont ceux qui sont censés être dans la même mouvance politique que Bah Oury qui sont en train de véhiculer ces messages. Cela prouve qu’il y a des traitres qui veulent à la vie, à la liberté de certains responsables de l’UFDG. On laisse à l’opinion de faire la part des choses entre ceux qui veulent que l’UFDG se rassemble, se reconstruise pour aller de l’avant et ceux qui sont là pour défendre des intérêts personnels. Je suis pour une UFDG qui gagne, qui rassemble, qui réconcilie et pour que l’UFDG puisse contribuer efficacement à l’émergence d’une société démocratique dans notre pays, pour que les Guinéens puissent dire ‘’Dieu merci’’.
Guinéenews : en dehors de la politique, que Bah Oury a présentement comme activité génératrice de revenu ?
Bah Oury : (rire) ! Merci. C’est une question privée mais bon, je sais que vous vous intéressez à mon sort. Je me reconstruis progressivement. Cela fait un an que je suis rentré, je me réinstalle, j’essaie de mettre en avant certains aspects qui me sont personnels. Comme ce n’est pas le lieu de les exposer mais par la grâce de Dieu, il y a des gens de bonne volonté qui me donnent un coup de pouce qui me permet d’avancer avec bien entendu lenteur mais j’espère efficacement.
Guinéenews : qu’est-ce que Bah Oury pense du nouveau code électoral qui a été défendu et soutenu à la fois par la mouvance et l’UFDG, au grand dam des partis du Front anti-Point 2 de l’accord du 12 octobre 2016 ?
Bah Oury : je pense que c’est un acte qui est liberticide. C’est un acte qui ne peut pas contribuer à la stabilité de la Guinée. On dénie aux collectivités les plus petites, c’est-à-dire les villages et les quartiers, la possibilité d’élire des hommes et des femmes qui puissent les représenter valablement. Dans un village qui a une histoire, un fonctionnement depuis des siècles, si je peux m’exprimer ainsi, on leur dit non vous n’avez pas la compétence juridique, vous n’êtes pas une personnalité morale. Donc, un conseil communal élu qui est plus lointain doit désigner la personne qui va être le président de votre district. Le président de ce district, ‘’militant politique’’, est-il du village ? Connaît-il l’histoire ? C’est encore beaucoup plus grave dans d’autres zones. Par exemple, je prends le petit village de Kaporo dont l’histoire est connue par tous. Il a des populations présentes depuis des siècles, vous ne pourrez jamais désigner en dehors des populations de Kaporo, le chef de quartier. Si vous le faites, vous enlevez aux villageois qui ont une identité d’être de Kaporo, la possibilité de s’exprimer, d’avoir leur représentant pour défendre leurs intérêts et affirmer institutionnellement l’existence de l’identité des villageois de Kaporo. Ce n’est pas parce qu’il y a eu une ville ou un quartier urbanisé qui s’est greffé autour du village qu’il faut nier l’existence du village de Kaporo. Ce sont des situations d’une extrême complexité auxquelles, il faut faire très attention. Je rappelle qu’en 1990, dans les zones comme en Guinée Forestière, il y a eu beaucoup de heurts qui ont amené à ce qu’il y ait beaucoup de victimes. Le conseil constitutionnel est saisi de la question, je n’ai pas développé l’aspect sur la Constitution mais je crois que l’aspect politique, il y a nécessité de stabiliser la Guinée, de faire que toutes les identités locales puissent être représentées dans le cadre des institutions. Ce point 2 détruit le processus de décentralisation et met en place la création de clientélisme politique qui va confisquer la liberté et transformer la démocratie en un groupe de clans et d’intérêts. Je dis et je répète, l’Amérique latine a connu la guerre civile parce que pendant 4 siècles, ce sont des oligarchies familiales, économiques qui ont privatisé la sphère politique et laissé de côté, l’écrasante majorité de la population. On ne peut pas se permettre de laisser le point 2 en l’état comme ça parce que sinon, c’est l’avenir de la Guinée qui est en danger.
Guinéenews : quelle est actuellement votre relation avec le président de l’UFDG Cellou Dalein Diallo ?
Bah Oury : je n’ai pas une relation directe avec lui dans le contexte actuel. Depuis le 24 janvier 2016, le jour de mon retour, c’est la dernière fois que nous nous sommes vus au siège de l’UFDG. Et depuis lors, on ne s’est jamais rencontré et on n’a jamais échangé un mot. J’estime que le plus important, ce ne sont pas nos relations directes mais le respect scrupuleux des orientations des statuts de l’UFDG, du règlement intérieur et des valeurs cardinales pour lesquelles nous nous sommes battus depuis très longtemps.
Guinéenews : la justice vient de vous réhabiliter comme premier vice-président de l’UFDG. A quand votre retour dans les assemblées hebdomadaires du parti ?
Bah Oury : je ne suis pas pressé pour aller dans les assemblées hebdomadaires parce que j’ai autre chose à faire. Et je dois dire, dans le contexte actuel, le siège n’est pas opérationnel puisque le bâtiment qui servait de local a été détruit. J’ai été étonné que pendant plusieurs années que ce bâtiment vétuste puisse servir de siège à l’UFDG. Aujourd’hui, il y a des travaux et le siège n’est pas opérationnel. Je dois dire que la politique ne se fait pas en spectacle de samedi. La politique c’est tous les jours dans nos quartiers, nos villes, à l’intérieur du pays, à Conakry, parmi les jeunes, les personnes qui souffrent et qui sont en train d’investir et promouvoir une autre image de la Guinée à l’étranger parmi nos compatriotes, dans un monde interconnecté avec des réseaux sociaux… Plus besoin de faire une petite assemblée hebdomadaire comme si vous allez à la messe. Non ! La politique a changé. Nous sommes dans une autre ère de modernité, de société interconnectée et nous sommes visibles un peu partout dans le monde. Donc, il faut que la politique évolue autrement et nous sommes dans cette dynamique.
Guinéenews :que répondez-vous à ceux qui disent que vous avez un autre siège de l’UFDG, en dehors de celui de Hamdallaye ?
Bah oury : mais j’ai mes bureaux. Un responsable ne peut travailler s’il n’a pas de bureau. Je m’organise avec mon équipe. Petit-à-petit, l’oiseau fait son nid. Les gens de l’autre camp ont leur bureau à la CBG et le siège est à Hamdallaye. J’ai le mien à Nongo Contéyah. C’est mon espace de travail pour que mes équipes puissent être progressivement opérationnelles, efficaces et non pour la mamaya.
Guinéenews : alors, peut-on dire que l’UFDG à deux directoires ?
Bah Oury : non, l’esprit guinéen veut que l’église soit chapeautée par une seule personne. Il faut que les visions changent. Cellou a son bureau à Hamadallaye et j’ai le mien à Nongo.
Guinéenews : une commission de réflexion dont vous avez été membre a été mise en place par le chef de l’Etat pour qualifier le système éducatif guinéen. Dites-nous, pourquoi avez-vous finalement claqué la porte de cette commission ?
Bah Oury : le président de la République a eu certainement la bonne information pour se rendre compte que le système éducatif guinéen est malade. Donc, au mois de juin, il m’a invité à participer à une commission pour faire un diagnostic sérieux et honnête sans complaisance du système éducatif guinéen afin de tirer les enseignements et de pouvoir, à partir de ce travail, élaborer les pistes pour réformer en profondeur le système éducatif. J’étais très enchanté de cette invitation parce qu’il y va dans l’intérêt de mon pays et comme vous le savez, l’éducation est la priorité des priorités pour qu’un pays puisse aller de l’avant. Mais malheureusement, dès la première réunion de cette commission, je n’ai pas retrouvé le sérieux auquel j’avais pensé. Le conseiller du président à l’Education s’est autoproclamé d’emblée dans la commission, il a désigné des vice-présidents, des rapporteurs. Et à partir de ce moment, j’ai dit que ma place n’est pas d’être un figurant. Pour le travail qui se fera, que je puisse le défendre partout où le besoin sera. Je ne suis pas un faire-valoir, j’ai ma crédibilité à défendre. Un travail qui ne se fait pas de la manière la plus objective, je ne peux pas m’associer à cela. J’ai informé le président de la République en le remerciant de m’avoir associé à cette initiative, mais j’ai décliné ma participation en lui exposant les raisons que je vous ai exposées ici.
Guinéenews : votre mot de la fin ?
Bah Oury : je crois en l’avenir de la Guinée. A ma place, dans la phase historique actuelle, très importante pour l’avenir de ce pays pour des années et des années, il nous faut faire émerger des contre-pouvoirs efficaces et c’est la raison pour laquelle les partis politiques doivent se reformer en profondeur et être beaucoup plus proches des préoccupations des populations et s’intéresser à des questions qui peuvent être au centre des discussions et faire élaborer des mécanismes de réflexion pour apporter des propositions innovantes pour demain. C’est la raison pour laquelle je suis heureux que la phase historique qui s’ouvre soit formidable, avec une génération débarrassée des maux tels que l’ethnocentrisme et le conservatisme.
Une interview réalisée par Sékou Sanoh en collaboration avec Mame Diallo pour Guinéenews