CONAKRY- Que faut-il faire face à l’impasse politique en Guinée ? Le premier vice-président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée vient de d’afficher sa position sur la crise politique dans laquelle son pays est entrain de tomber. Bah Oury, a au cours d’une interview exclusive accordée à notre rédaction, interpellé ses pairs de l’opposition ainsi que le pouvoir du Président Alpha Condé. L’opposant a aussi mis l’occasion à profit pour adresser un message très « particulier » à l’endroit des militants de l’UFDG et de tout le peuple de Guinée. Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Monsieur Bah Oury bonjour !
BAH OURY : Bonjour Monsieur Souaré !
Quelle appréciation faites-vous de l’organisation du scrutin présidentiel ce dimanche 11 octobre 2015 ?
Je pense que vous connaissez mes positions antérieures par rapport à ce processus électoral qui depuis 2011 a été préparé pour parvenir à installer Monsieur Alpha Condé pour un second mandat. Beaucoup de procédures ont été complètement piétinées, les lois ont été ignorées, la CENI (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr) a été vidée de sa substance comme organe régulateur et neutre d’un processus électoral transparent et crédible. Le fichier électoral a été complètement saboté. Malgré tout cela, les responsables de l’opposition ont estimé qu’ils pouvaient aller à ces élections, la population a pendant la campagne électorale, a montré sa volonté d’un changement pacifique qui permettra à la Guinée de sortir de l’impasse actuel. Mais comme un processus électoral qui n’a pas été correcte ne peut pas accoucher d’un processus politique paisible qui permet à la société entière de changer de cours de son histoire (…) ; nous sommes revenus à un blocage actuellement, et c’est à ce niveau là que les responsabilités doivent être de part et d’autre situées.
Selon vous l’opposition n’avait pas à participer à ce scrutin ?
Ce qui est fait est déjà fait, maintenant il faut s’assurer que les stratégies que certains responsables de l’opposition proposent puissent correspondre à l’intérêt de la population, à l’intérêt du pays, et à l’intérêt de l’enracinement de la démocratie dans le pays.
Les sept adversaires du Président Alpha Condé promettent de ne pas reconnaître les résultats de ces élections. Pensez-vous que c’est une stratégie ?
Peut-être qu’ils ont des raisons d’adopter cette stratégie, mais personnellement je ne comprends pas à quel résultat ils veulent aboutir en disant qu’ils ne reconnaissent pas une élection à laquelle ils ont participé, ils ont fait campagne, ils ont demandé à leurs militants de voter, je pense qu’il y a de ce point de vue une certaine retenue, une certaine responsabilité qu’il faut avoir pour ne pas prendre des décisions qui risquent de mettre le pays dans le chaos.
Quelle stratégie devrait adopter vos paires de l’opposition selon vous ?
Vous savez déjà que le processus électoral était vicié et là on a vu ce qui était prévu. Donc il est très difficile de dire qu’est ce qu’on aurait dû faire. A partir du moment où ils ont pris la responsabilité d’être candidats, ils ont pris la responsabilité de faire campagne, tout en sachant les manquements graves liés à l’absence d’un processus pour avoir des élections transparentes et crédibles, de ce point de vue, il faut à mon avis réfléchir d’abord par rapport à leur propre responsabilité dans le contexte actuel.
Pensez-vous que la reprise des manifestations annoncée par Cellou Dalein Diallo pourra faire fléchir le pouvoir du Président Alpha Condé ?
Avant de parler du pouvoir, moi ce qui m’intéresse c’est la population. Il y a eu trop de morts durant ces cinq années pour qu’il y ait un dialogue avec le régime d’Alpha Condé, il y a eu trop de destructions. Et à chaque fois, Monsieur Alpha Condé a fait plier les responsables de l’opposition malgré les sacrifices, malgré les violations graves des droits de l’Homme. Je ne veux pas que de manière cavalière que la vie des populations soit engagée. Il faut des stratégies sûre, il faut des stratégies concertées, il faut des stratégies responsables, qui prennent en compte l’intérêt de la Guinée et non pas des ambitions personnelles des uns et des autres. Il est important de sauvegarder les vies des guinéens, il y a eu trop de sacrifices et on a pas vu de résultats probants pour encore une fois, sans se concerter, sans tirer les leçons du passé, et savoir ce qu’il faut faire et ce qu’il faut à tout prix éviter.
Peut-on dire que l’opposition a globalement échoué face au pouvoir du Président Alpha Condé ?
C’est trop tôt de se prononcer par rapport à cette question parce que la situation est encore très mouvante. J’en appelle à la responsabilité de tout le monde, y compris Alpha Condé, de ne pas mettre le feu au pays pour sauvegarder des intérêts personnels. C’est valable pour tous. La Guinée en a trop souffert, et nous voulons des stratégies qui permettent à la Guinée d’aller de l’avant, non pas de reculer et de bruler.
Vous préconisez donc l’acceptation des résultats qui seront proclamés par l’institution électorale ?
Je ne dis pas ça, je dis simplement que le processus est malsain depuis très longtemps. J’avais déjà dit que la stratégie qu’il fallait était de faire en sorte qu’il y ait une transition démocratique avant l’élection présidentielle. Maintenant on s’est retourné dans une nouvelle impasse. La Guinée ne peut pas continuer d’aller d’impasse en impasse. La responsabilité de tous est donc engagée, y compris l’opposition et le pouvoir parce qu’ils sont entrain de mener le pays au chao. Ça fait des années que ça dure. L’opposition doit faire le bilan de son histoire récente avant d’envisager quoi que ça soit pour la suite. Il faut de manière impérative réfléchir sur des stratégies gagnantes et non des stratégies qui aboutiraient à l’assassinant de plusieurs personnes, parce qu’il y a un pouvoir qui n’hésite pas à tirer sur ses propres citoyens pour qu’enfin on aboutisse encore à des résultats qui ne permettent pas à un réel processus démocratique.
Comment percevez-vous les affrontements survenus ces derniers jours dans plusieurs quartiers de Conakry ?
La responsabilité du pouvoir est totale. Monsieur Alpha Condé n’a pas accepté que la majorité des guinéens, de manière visible, ait accueilli le candidat de l’UFDG le jeudi dernier. Ce n’était pas seulement les militants de l’UFDG qui étaient sortis ce jour là, c’est une expression de la volonté de la majorité de la population pour qu’il y ait un changement réel dans ce pays qui en a besoin. Le lendemain, ils ont instrumentalisé la violence pour faire croire que ce sont des conflits inter communautaires. Il y a un pouvoir qui manipule les appartenances ethniques pour ramener la Guinée à des combats du moyen âge.
Avez-vous un message à l’endroit de vos militants et à tout le peuple de Guinée en général ?
Je souhaite que les militants de l’UFDG reconnaissent qu’ils se sont bien battus, ils ont montré qu’ils sont prêts à sacrifier leurs vies pour que la démocratie soit une réalité en Guinée. Ils en ont souffert, il y a parmi nous des gens qui sont en prison, il y a des gens endeuillés, il y a des destructions de biens, et de ce point de vue, les militants de l’UFDG ont beaucoup subi pour que la démocratie soit une réalité dans notre pays. On en est pas encore parvenu, ce n’est pas la fin du monde, c’est le début d’un autre combat qui commence, il ne faut pas qu’ils se découragent. Mais ceci dit, je ne souhaite pas que de manière imprévue, que de manière cavalière qu’il y ait encore des gens qui soient tués parce que les stratégies ne sont pas réfléchies.
A l’ensemble du pays, je demande d’éviter de sombrer dans des conflits à caractère ethnique, ça n’a pas de sens.
Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou
Pour Africaguinee.com
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