Guinée : La situation politique actuelle analysée par M. Bah Oury de l’UFDG
Depuis quelques jours, nous avons une Nouvelle Assemblée nationale et un nouveau gouvernement, en ce début d’année 2014. Comme une espèce de cadeau de nouvel an au peuple guinéen par Alpha Condé. En dehors des flonflons des manifestations de satisfaction parfois bruyamment exprimées et des premiers couacs à l’Assemblée avec des batailles dignes de chiffonniers, pour presque rien, que nous réserve le nouvel attelage gouvernemental et la nouvelle Assemblée, avec la « mouche du coche » de l’Opposition ?
Nous avons posé ces quelques questions à M. Bah Oury, fondateur de l’UFDG, son premier Vice-Président en exil forcé et personnalité politique unanimement appréciée et respectée de ses compatriotes. Le seul Ministre d’un gouvernement, celui du PM Souaré, qui avait réussi à faire accepter officiellement la responsabilité de l’Etat guinéen dans les atteintes graves aux droits de l’homme qui n’ont pratiquement jamais cessé dans notre pays.
1-Peut-on prévoir les conséquences de la participation de l’Opposition en général, sans pouvoir réel, à l’Assemblée Nationale manifestement déséquilibrée ?
BAH Oury : Votre question comporte plusieurs volets. D’abord le système présidentialiste qui est consacré par la constitution guinéenne est omnipotent. Le parlement n’a pas les moyens constitutionnels d’être une institution de contrôle et d’équilibre par rapport au pouvoir exécutif. De mon point de vue, un système semi –présidentiel pourra accorder un plus grand rôle au corps législatif.
En ce qui concerne le cas spécifique actuel, le désastre est immense. Un fichier électoral contesté et contestable a été validé par le scrutin législatif du 28 septembre 2013. Le pouvoir actuel s’en servira pour organiser les élections présidentielles prochaines, même si Way-Mark et Sabari Technology se trouvent remplacés par un autre opérateur technique. Comme vous le savez une élection dépend essentiellement du fichier électoral qui sera utilisé. Ainsi la Guinée risque de plonger encore davantage dans le chaos sans une remise en cause complète du fichier actuel. Les signataires des « accords du 03 juillet 2013 » sont responsables de cette capitulation politique qui ruine les chances de la Guinée d’espérer une sortie de crise durable par l’organisation des élections par les tenants actuels du pouvoir.
En conséquence, cette assemblée ne sert que d’un « vernis démocratique » à la propagande officielle.
2- L’équilibre tenant compte de la diversité humaine et des capacités techniques et politiques existant dans notre pays est-il reflété au niveau du nouveau gouvernement ?
BAH Oury : Un adage soussou de notre pays dit « le poisson pourrit toujours par la tête ». Le leadership au sommet de l’Etat est fondamental. C’est surtout cela qui est en cause. Les compétences techniques et politiques existent mais l’orientation promue par Alpha Condé va dans des directions opposées à celles de l’intérêt national. Alpha Condé cherche uniquement à jouir des privilèges du pouvoir, il ne cherche nullement à prendre à bras le corps les problèmes de la Guinée. Donc à la tête du pays, les compétences nationales et les expertises étrangères ne seront pas utilisées dans le bon sens. Ironie du sort ce sont les militants du RPG qui dénoncent avec virulence les déficits de ce nouveau gouvernement ce qui est une preuve manifeste d’une défiance à l’égard du Chef de l’Etat guinéen.
3-Que cherche le pouvoir avec la coexistence antagoniste, nombreuses, en particulier d’un ministre aux droits de l’homme et d’une accentuation de la répression politique et du déni des droits élémentaires aux citoyens ?
BAH Oury : Le régime d’Alpha Condé se soucie plus de son image à l’extérieur du pays. Des sommes faramineuses sont englouties pour financer des campagnes de presse mensongères et affabulatrices pour faire croire « ce qui n’est pas ». L’existence d’un Ministère des droits de l’homme s’inscrit dans ce sens. Mentir, faire parjure ne gênent pas du tout les responsables guinéens actuels. Malheureusement ils disposent de relais puissants à l’extérieur qui parviennent pour le moment à « dédouaner » Alpha Condé des crimes de sang dont sa gouvernance est responsable. Néanmoins de ce côté-là aussi nous menons le combat pour faire entendre la complainte des guinéens face à la barbarie des répressions dont ils les victimes.
4-Si une mission a été assignée à l’équipe Saïd Fofana II, qu’elle pourrait-elle être en réalité ?
BAH Oury : la motivation du gouvernement guinéen est l’affairisme tout azimut. La mal-gouvernance a atteint des niveaux jamais égalés auparavant. Les ressources naturelles minières suscitent des convoitises pavloviennes auprès des tenants du régime. Alpha Condé n’est –il pas présenté comme l’empereur des mines. Son gouvernement est là pour lui permettre de s’enrichir indûment et de manière ostentatoire. Il ne faut pas attendre autre chose que celle-là du gouvernement II de Said Fofana. Le système étatique guinéen est par excellence le modèle achevé du néo-patrimonialisme décadent qui a atteint ses limites. Il ne peut plus se réformer et il poursuit inexorablement une longue dérive vers sa décrépitude. C’est la raison principale de la persistance de la crise politique et sociale en Guinée.
5-Avez-vous d’autres sujets sur lesquels vous aimeriez attirer l’attention de vos compatriotes, et surtout leur donner de l’espoir ?
BAH Oury : C’est cette analyse de la situation politique et sociale de notre pays ,qui m’amène à craindre le pire si la barre de la gouvernance de la Guinée n’est pas vigoureusement redressée avant qu’il ne soit trop tard. Des pays comme le Mali convalescent et la République Centrafricaine ont plongé leurs citoyens dans la désolation et la tourmente parce que leurs élites politiques ont failli à leur responsabilité et à leur devoir vis –à-vis de leur pays. La Guinée n’est pas à l’abri. Tout cela nous pousse à agir et à proposer à nos compatriotes de résister pour sauver le pays. L’organisation de l’opposition républicaine extra-parlementaire répond à cette volonté politique d’unir les forces pour stopper la descente aux enfers de notre pays. Bien entendu la mobilisation sociale et civique est d’une urgence impérieuse pour espérer changer le cours du destin de la Guinée. C’est possible de réussir. Comme en 2007, nous devons parvenir à faire lever tous les guinéens pour changer profondément la gouvernance de la Guinée et en finir avec la fatalité des dictatures récurrentes. Les guinéens ont eux aussi droit au bonheur. Avec beaucoup d’autres je m’y emploie.
Merci M. Bah .