Bah Oury à Guinéenews : « Je serai au rendez-vous de Dakar … »
A quelques jours de sa rencontre avec le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo dans la capitale sénégalaise le 15 juin prochain, Bah Oury, vice-président du même parti a accordé une interview à votre quotidien online. Plusieurs questions ont été abordées dont cette rencontre « cruciale » de Dakar, la démission de Yarie Briqui de l’UFDG, le retrait de l’opposition de l’Assemblée nationale… Lisez !
Guinéenews : Bah Oury sera-t-il présent à Dakar le 15 juin prochain ?
BAH Oury : Comme je l’avais déjà déclaré à la commission de médiation, ma décision de répondre favorablement à son invitation est irrévocable. Je serai au rendez-vous par la grâce de Dieu.
Guinéenews : Peut-on dire qu’à l’issue de cette rencontre qu’on pourrait qualifiée de cruciale, la hache de guerre sera définitivement enterrée entre vous et Cellou Dalein Diallo ?
BAH Oury : Je ne suis pas en guerre avec M. Cellou Dalein Diallo. Nous avons eu des divergences politiques sur deux aspects essentiels eu égard à notre appartenance commune à l’UFDG, à savoir sa gouvernance du parti et l’orientation politique qu’il a conduit depuis l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir. Ces contradictions ont peu ou prou étaient exacerbées par un déficit notoire de concertations et de dialogues internes. J’avais toujours appelé de mes vœux, la nécessité de cette rencontre sous l’égide de médiateurs impartiaux et soucieux de préserver les intérêts de l’UFDG et désireux de faire avancer le combat démocratique en Guinée.
Comme l’écrasante majorité des militants de l’UFDG et de tous les démocrates guinéens et de la sous-région ouest-africaine, je souhaite que les assises de Dakar permettent une sortie de crise durable, franche et loyale pour l’UFDG. Je m’emploierai énergiquement dans ce sens.
Guinéenews : Qu’est ce qui a finalement pesé sur la balance pour qu’une telle rencontre ait lieu ? Est-ce le cri de cœur des militants à la base qui a été entendu ?
BAH Oury : Le principe de réalité a amené toutes les parties prenantes de cette crise interne à se résoudre à s’asseoir autour de la table pour dialoguer. C’est une victoire pour les militants de l’UFDG qui n’avaient jamais tari d’insister sur l’impérieuse nécessité d’assurer l’unité et la cohésion de notre institution politique.
Guinéenews : Toujours au sein de l’UFDG, nous avons appris cette semaine de la bouche du gouverneur de la ville de Conakry, la démission de madame Yarie Briqui de votre formation politique. Quelle est votre réaction ?
BAH Oury : Yarie Briqui est une grande dame. Elle a résisté farouchement à toutes les formes d’intimidation de la part des autorités inféodées au régime actuel. Elle a été mise en prison et condamnée en sursis. Elle est persécutée dans son environnement professionnel et familial. Quelque soit sa décision, je la respecte.
Guinéenews : l’opposition a décidé ce lundi de se retirer de l’Assemblée Nationale jusqu’à l’application des accords du 03 juillet 2013. Quel jugement faites-vous de cette décision ?
BAH Oury : Je me réjouis de cette décision de l’opposition, car cette nouvelle situation confirme l’existence d’une crise politique et institutionnelle en Guinée malgré le retour proclamé à l’ordre constitutionnel. Je réitère ma condamnation de principe des accords du 03 juillet car ils ont permis de baliser l’accaparement par le parti-État RPG-arc-en-ciel de tous les leviers institutionnels de la Guinée. Surtout ils ont validé le recensement du corps électoral effectué par Waymark -Sabari-technology en dépit des dizaines de personnes froidement abattues lors des manifestations pacifiques. Les accords du 03 juillet constituent sans conteste à terme, les sources de crise majeure pour la stabilité politique en Guinée. Je suis au regret de constater qu’avec la gouvernance d’Alpha Condé, il est illusoire de penser avoir des avancées politiques notables sans un véritable bras de fer avec son régime.
Guinéenews : Votre point de vue sur l’accord signé entre le gouvernement et son partenaire Rio-Tinto sur l’exploitation du Mont Simandou ?
BAH Oury : Il faut être prudent avec les signatures avec beaucoup de tapages médiatiques. La gouvernance minière dans notre pays est caractérisée par son opacité et cela depuis très longtemps. M. Alpha Condé n’est de ce point de vue qu’un continuateur d’un système qui n’a pas donné des résultats probants pour la collectivité nationale. L’accord transactionnel qui a permis d’engranger prés de 700 millions de dollars en avril 2011 n’a pas permis l’exploitation des blocs 3 et 4 dès 2014. Par conséquent je reste dubitatif. Wait and see !
C’est l’occasion de demander aux autorités actuelles de donner des explications claires et objectives autour du conflit avec BSGR-Valé. Dans le même ordre d’idée d’expliquer pourquoi Sable Mining a droit à des privilèges faramineux en transportant le minerai de fer par le port de Buchanan au Libéria ? Que sont devenus les 250 millions de dollars que cette société a versés. Cette somme est-elle inscrite au niveau des recettes publiques ? Pourquoi M. Alpha Condé est-il silencieux sur la crise de l’usine de Fria ?
Pour toutes ces questions le régime d’Alpha Condé doit rendre des comptes au pays tout en entier, car il s’agit de l’avenir de toute la nation qui est en jeu. Il y a trop de complaisances et de compromissions en Guinée, ce qui justifie que notre pays est parmi les derniers sur tous les plans. C’est injuste, c’est criminel et c’est inacceptable ! Alpha Condé doit rendre compte de sa gestion du pays, dès maintenant !
Guinéenews : Autre fait, les conflits inter-communautaires entre les Roundés et les Foulassos autour des terres se multiplient au Foutah. Qu’en dites-vous ?
BAH Oury : Les contradictions sociales existent au niveau de toutes les communautés nationales de notre pays. Les vicissitudes des époques féodales restent vivaces malgré de profonds changements que nos sociétés ont connus. De ce point de vue, la société foutankée est celle qui a subi plus de mutations internes que les autres. Les relations féodales ont largement été supplantées par des relations monétaires, le pouvoir et le prestige sont du côté des possédants. Le statut social n’est nullement aujourd’hui régi par la naissance. Donc le régime actuel instrumentalise les vestiges des différences qui sont prégnantes dans la société foutankée pour la diviser et l’assujettir à sa domination. C’est la pratique de l’apartheid, diviser, cloisonner, réprimer et affaiblir des populations qui se retrouvent déchirées. Cette instrumentalisation décidée par les stratèges du RPG-arc-en-ciel ne réussira pas au Foutah. Je salue le travail formidable autour de cette problématique d’imminents journalistes comme BAH Mamadou Lamine du Lynx et de Amadou Diouldé Diallo.
Guinéenews : Un mot sur les émeutes de Siguiri …
Les émeutes à Siguiri, me confortent dans ma conviction que l’ethno-stratégie qu’Alpha Condé met en œuvre est en train d’être rejeté par l’ensemble des populations guinéennes. Il est caricatural et faux d’assimiler la gouvernance d’Alpha Condé à celle de toute une ethnie en l’occurrence les malinkés. Les démocrates de toutes les sensibilités politiques doivent se donner la main pour combattre « le piège ethnique » dans lequel le régime actuel plonge la Guinée.
Interview réalisée par Sarifou Barry, téléphone 00336 85 81 54 97