De retour d’Italie où il a animé un meeting en compagnie du président du parti Cellou Dalein Diallo, le vice-président de l’Union des forces démocratiques de Guinée s’est prêté aux questions de Guinéenews©. Dans cet entretien, Bah Oury revient entre autres sur sa tournée italienne, sa dernière rencontre à Paris avec le président de l’UFR, Sidya Touré et le financement des futures élections par l’État guinéen. Lisez !
Guinéenews© : Vous avez animé avec El hadj Cellou un meeting à Brescia en Italie la semaine dernière. Quelles leçons avez-vous tiré de cette tournée italienne ?
Bah Oury : Nous avons répondu à l’invitation de la Fédération-UFDG d’Italie. Celle-ci est la plus jeune structure du parti en Europe. Cette jeunesse lui a servi d’atout pour s’organiser et intéresser la communauté guinéenne d’Italie à la cause de l’UFDG et à celle de la démocratie en Guinée. Personnellement, j’ai été particulièrement séduit par leur enthousiasme, leur ouverture d’esprit et surtout leur cohésion autour de la nécessité de prendre leur destin collectif entre leurs mains.
Le meeting a été grandiose. Les guinéens se sont déplacés de tous les confins d’Italie pour assister à cette rencontre. J’ai noté avec une très grande satisfaction l’intégration dans la société italienne de notre communauté. J’ai été impressionné par le nombre et la jeunesse de nos ressortissants dans la péninsule. C’est d’abord une source de satisfaction de constater que la diaspora guinéenne est forte, diverse, intéressée au sort du pays d’origine et ouverte aux cultures des pays d’adoption. Toutefois, c’est avec un pincement au cœur que je constate que la Guinée se vide de ses forces vives et les milliers de morts aux larges de Lampédusa sont là pour nous rappeler cette réalité insoutenable et tragique. Les préoccupations exprimées par les représentants de la communauté guinéenne sont d’ordre citoyen. Comment avoir les passeports biométriques sans être obligés de retourner à Conakry ? Comment nos retraites pourront elles être perçues en Guinée même, comme les sénégalais ont pu l’obtenir ? Comment nos investissements pourront ils être protégés dans notre pays ? Comment améliorer la sécurité des biens et des personnes dans notre pays ? A titre d’illustration, un couple ayant prés de 20 années de séjour en Italie, décident d’investir leur épargne dans la restauration à Conakry. Au bout de quelques mois, il a été obligé de rentrer en Italie, car chaque nuit dans leur quartier de Conakry, il était terrorisé par les coups de feu.
Guinéenews© : Vous avez rendu visite à M. Sydia Touré à Paris. Pouvons-nous connaître la teneur de votre entretien ?
Bah Oury : Je rencontre régulièrement M.Touré lorsqu’il séjourne à Paris. Je lui suis reconnaissant d’avoir pensé à m’inviter à un de ces meetings dès les premiers moments de mon exil en France, alors que beaucoup d’autres m’avaient tourné le dos. Ceci dit, nos échanges sont toujours francs et directs. J’ai insisté auprès du Président de l’UFR sur les dangers dans lesquels notre pays baigne par la faute de la gouvernance de M. Alpha Condé et sur la nécessité absolue pour sauver notre pays de le débarrasser de ces calvaires. Pour cela, j’ai indiqué qu’une nouvelle formulation de la plate-forme politique de l’opposition élargie aux forces de la société civile est indispensable et urgente. Je n’ai pas manqué de dire, que l’enfermement sur des questions bassement électorales ne permet pas une mobilisation optimale des forces désireuses d’œuvrer pour un réel changement en Guinée, ici et maintenant. Avant la clôture de notre entretien, j’ai appelé au téléphone El hadj Cellou Dalein Diallo (ce qui était déjà convenu d’un commun accord). Les présidents de l’UFDG et de l’UFR se sont ainsi entretenus sur la problématique d’élargissement de la plate-forme. A Conakry, j’espère vivement qu’ils agiront ensemble pour l’unité effective des forces du changement et de progrès pour accélérer la mobilisation générale contre Alpha Condé.
Guinéenews© : Et la candidature unique de l’opposition aux présidentielles a-t-elle été évoquée ?
Bah Oury : Bien entendu. Le président de l’UFR l’a présentée comme un moyen selon lui pour battre Alpha CONDE aux prochaines présidentielles. Il n’est pour autant fermé à d’autres propositions comme celles de 2007 à condition que la stratégie soit claire pour éviter de nouvelles désillusions tragiques. A cela , je suis entièrement d’accord. Par ailleurs je vous précise que j’ai eu des échanges allant dans le même sens avec El hadj Cellou.
Guinéenews© : M. Alpha Condé et la CENI ont indiqué que les prochaines élections présidentielles seront entièrement financées par le budget national sans aucune aide de la communauté internationale. Qu’en pensez-vous ?
Bah Oury : M. Alpha Condé n’a jamais dévié de sa trajectoire politique d’instaurer sa dictature sur la Guinée depuis qu’il est au pouvoir. C’est l’opposition républicaine qui a manqué de clarté dans la définition de ses objectifs, de fermeté et de capacité d’anticipations pour contrer efficacement la dictature d’Alpa CONDE. Mais rien n’est encore tard pour redresser la barre. Pour en revenir à votre question, M. Alpha Condé impute à l’encadrement de la CENI par les experts de l’Union Européenne et à sa mission d’observation des législatives, son « modeste score » aux législatives. Il entend cette fois-ci avoir les coudées franches pour imposer ses « résultats » aux présidentielles sans aucune interférence extérieure. Aucun grain de sable ne doit être accepté au risque d’enrayer toute son opération de mascarade électorale aux présidentielles. Refuser le financement extérieur des élections en brandissant « la souveraineté nationale » est un habillage subtil pour être de bout en bout en mesure de contrôler le processus électoral.
Guinéenews© : Comment refuser le financement extérieur des élections et en même temps solliciter l’aide étrangère pour la riposte contre Ebola et l’aide budgétaire à la France pour combler en partie le déficit ?
Bah Oury : Votre question est pertinente. Au niveau des autorités guinéennes, la vision politicienne l’emporte sur la prise en compte de nos intérêts nationaux. M. Alpha Condé refuse les 26 millions d’euros de l’UE qui sont disponibles sur le volet financement électoral, mais il ne s’embarrasse d’aucune scrupule pour quémander à la France une aide budgétaire pour combler le déficit du budget. De manière grossière, il veut faire financer à travers l’aide budgétaire de la France (qui n’a aucune affectation précise au préalable), la mascarade électorale qu’il entend organiser. Toute l’opposition et la communauté internationale sont interpellées par cette « cavalerie comptable » lourde de conséquences fâcheuses pour la stabilité de la Guinée. Nous alerterons les autorités françaises sur l’utilisation de l’aide budgétaire promise par le chef de l’État français M. François Hollande, à la Guinée.
Guinéenews© : Comment expliquer la passivité de la communauté internationale devant les dérives de la gouvernance d’Alpha CONDE ?
Bah Oury : La communauté internationale comme le disait le Général De GAULLE est un « vaste machin » qui est un rassemblement d’intérêts hétéroclites et opposés. Ce n’est que lorsqu’il est trop tard qu’elle se manifeste sous forme d’aides humanitaires ou pour envoyer des troupes d’interposition entre les belligérants lorsque la guerre, la famine et les maladies déciment les populations civiles notamment les enfants et les femmes. La communauté internationale reste aveugle et sourde malgré les alertes d’Human Right Watch, d’International Crisis Group et d’autres sur les risques d’explosions en Guinée qui embraseront toute la sous-région. L’épidémie d’Ebola est là pour illustrer mon propos. Les Guinéens doivent par eux-mêmes et pour eux-mêmes se débarrasser du joug d’Alpha Condé avant qu’il n’entraîne le pays, dans le précipice. Qui se souvient aujourd’hui que la gouvernance de Siad Barre du Somalie a plongé dans les années 80 son pays dans l’ingouvernabilité totale, trente années après sa disparition. Prenons notre destin collectif entre nos mains, c’est cela qui sauvera notre pays.
Guinéenews© : Votre dernier mot ?
Bah Oury : J’ai confiance en l’avenir de la Guinée. Après le Burkina qui a pu venir à bout de Blaise Compaoré , la jeunesse guinéenne aussi mettra un terme très bientôt à la dictature en Guinée. Pour cela, il nous appartient à tous d’y contribuer, y compris par des collectes de ressources financières, indispensables pour faire avancer la cause de la démocratie et du réel changement dans notre pays.
Entretien réalisé par Sarifou Barry, depuis la France pour Guinéenews©. Téléphone : 0033685815497