CONAKRY- Connu pour ses prises de position tranchant, Bah Oury est en profond “désaccord” avec ses pairs du FNDC. Il vient de cracher ses vérités de manière « crues ».
L’ancien ministre de la réconciliation marque son opposition face à la démarche de certains leaders du FNDC qui ont déposé une plainte à la Commission de la CEDEAO afin que celle-ci intervienne pour contraindre Alpha Condé de renoncer à la révision du code électoral. En exclusivité, l’opposant a répondu aux questions d’Africaguinee.com.
AFRICAGUINEE.COM : Le FNDC se tourne à nouveau vers la CEDEAO pour lui demander d’intervenir auprès des autorités guinéennes pour qu’elles renoncent à amender la Loi Electorale à cinq mois de la Présidentielle. Que pensez-vous de cette démarche ?
BAH OURY : Je ne suis pas d’accord. Comment peuvent-ils déposer un truc périphérique par rapport à un code électoral sans au préalable poser les vraies questions essentielles. La falsification de la constitution. Je n’étais pas au courant de cette démarche, c’est par hasard que j’ai vu sur les sites qu’il y a eu une démarche dans ce sens auprès de la commission de la CEDEAO. J’étais fort surpris parce que la question de l’agenda de cette Assemblée dirigée par qui vous connaissez ne me paraît pas être le point essentiel dans le cadre de notre lutte d’aujourd’hui. Il y a des aspects essentiels notamment le fait que la Guinée est dans un contexte de vide constitutionnel ou de vide juridique de par la falsification des textes constitutionnels. Ceci est de loin beaucoup plus important, beaucoup plus essentiel d’attirer l’attention aussi bien de la CEDEAO que des autres partenaires sur cette violation flagrante des principes réglementaires de l’Etat de Droit. Le fait de parler du Code Electoral me paraît quelque chose de saugrenue par rapport à ce qui est fondamental.
Ce qui est dangereux dans cette démarche, c’est que de fait, il y a une reconnaissance de facto de cette Assemblée. C’est à ce niveau-là que j’ai pensé que mes collègues du FNDC ont manqué de perspicacité. Parce que le fait d’alerter la CEDEAO sur un agenda de cette Assemblée, cela contribue à valider l’existence de cette celle-ci auprès de certaines institutions internationales. Je trouve que c’est un piège qui n’est pas du tout en adéquation avec les intérêts des démocrates qui veulent ne pas s’engager dans une reconnaissance de cette Assemblée.
Aujourd’hui, nous avons une opportunité extraordinaire qui nous est donnée par la providence, du fait de cette falsification de la Constitution. Ce qui fait que dans un Etat de Droit, le gouvernement ne peut plus fonctionner. Toutes les institutions qui agissent par des actes qui commencent par « vu la constitution de la république de Guinée », n’ont plus ce pouvoir d’action. Ça c’est beaucoup plus essentiel que de parler des choses qui me paraissent tout à fait inopportunes et très périphériques par rapport à l’attente et au souci des populations guinéennes.
Vous pensez que cette falsification de la Constitution est une aubaine pour le FNDC pour exiger le début d’un processus transitoire ?
En fait on est de plain-pied dans le cadre d’un régime d’exception. La Constitution étant mise de côté, une transition s’avère indispensable pour remettre en forme les institutions et les Lois du pays en conformité avec les principes de l’Etat de Droit. C’est ce qui est essentiel. Donc c’est la question de la transition politique en Guinée qui est de loin l’aspect le plus fondamental que de se disputer, de s’engager dans des querelles concernant un code électoral, la composition de la haute autorité de la communication. Tout cela, les autorités actuelles peuvent faire ce que bon leur semble, mais de part le fait que nous sommes dans le cadre d’un vide constitutionnel, tous leurs actes seront contestés et contestables avec des arguments de droit et des arguments politiques qui font que le Pouvoir actuel a perdu toute capacité d’actions s’il veut aller dans le sens de l’Etat de Droit. Maintenant si c’est un régime à caractère bananier, il va de soit que tout est ainsi.
Il y a un précédent avec la CEDEAO qui s’est abstenu d’avoir une position tranchée sur les élections controversées du 22 mars dernier. Pensez-vous que vos pairs du FNDC peuvent obtenir gain de cause auprès de la commission de la CEDEAO ?
Non, c’est pour cela que j’ai l’impression qu’il y a la mollesse au niveau de certains de nos collègues de l’opposition. Au niveau de la CEDEAO, il y a une ligne molle et une conséquente. La ligne molle si on ne fait pas attention risque d’avoir des arguments de poids de par des initiatives qui me paraissent inopportunes que certains de nos amis sont en train de faire. Cette ligne molle au sein de la CEDEAO risque donc d’être encouragée de poursuivre son chemin. Or, c’est la ligne conséquente qui doit être renforcée et soutenue par une détermination et une fermeté de tous les acteurs politiques, sociaux et syndicaux guinéens. Parce que comme on dit, lorsqu’on te lave le dos, il faut que tu le laves toi-même le ventre. On ne peut pas te laver les deux à la fois.
L’avenir de nos institutions, l’avenir de notre pays dépendent avant tout de nous les guinéens. Si parmi nous les guinéens, il y a certains qui font semblant de lutter alors qu’en fait, ils sont en train de soutenir, c’est une forme de trahison. Et de ce point de vue, on risque de ne pas être écouté, ni soutenu. Parce que les gens vont dire : « laissez ces guinéens entre eux, on ne sait jamais ce qu’ils veulent. Regardez ils n’ont même pas de constitution, ils s’intéressent à des aspects périphériques d’un code électoral alors que la Loi suprême du pays est totalement violentée, bafouée, mise de côté. Ils faut qu’ils sachent ce qu’ils veulent ».
Donc, si on veut être respectés, écoutés, il faut que nous soyons conséquents et fermes dans nos principes et dans notre façon de faire. Il y a trop d’amateurisme qui fait que la lutte des populations jusqu’à présent tarde à se concrétiser par des victoires irréversibles.
Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 655 311 112
Créé le Samedi 06 juin 2020 à 21:50